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Le major Paul Mwilambwe, témoin clé de l’affaire Chebeya © DR

Affaire Chebeya: Le Dossier Paul Mwilambwe Rebondit à Bruxelles

 

10 ans après l’assassinat de Floribert Chebeya et Fidele Bazana, le principal témoin, Paul Mwilambwe, réclame toujours un procès équitable. Pour son avocat, « Seule une forte pression internationale » pourrait faire bouger Dakar et Kinshasa, dont depend l’extradition de Paul  Mwilambwe.

10 ans déjà… et les commanditaires du double assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, courent toujours. Pourtant, quelqu’un a tout vu et tout entendu. Il s’appelle Paul Mwilambwe et était en charge de la sécurité de l’inspection général de la police congolaise. Le 1er juin 2010, Floribert Chebeya, fondateur de l’ONG « la Voix des Sans Voix » et son chauffeur, Fidèle Bazana, étaient convoqués chez le chef de la police, John Numbi, un proche du président Joseph Kabila. Le lendemain, le corps sans vie de Floribert Chebeya est retrouvé dans une voiture. Son chauffeur est porté disparu, et son corps n’a jamais été retrouvé.

L’affaire fait grand bruit en République démocratique du Congo (RDC). Floribert Chebeya est en figure emblématique de la défense des droits de l’homme. Sa mort et celle de son chauffeur provoque une très vive émotion. Un procès se tient en RDC et huit policiers, dont Paul Mwilambwe, sont inculpés. Quatre d’entre eux sont condamnés à la peine de mort et un à perpétuité. Paul Mwilambwe réussit à s’enfuir et se réfugie au Sénégal. John Numbi est suspendu de ses fonctions, mais reviendra quelques années plus tard comme inspecteur général des armées.

Témoin-clé de l’affaire, Paul Mwilambwe affirme avoir tout vu sur les écrans de vidéosurveillance et accuse John Numbi d’être le commanditaire de l’assassinat, Christian Ngoy d’en être « l’acteur principal », et le président Joseph Kabila le « donneur d’ordre ». A Dakar, dont la justice possède la compétence universelle pour juger cette affaire, Paul Mwilambwe réitère ses accusations devant un juge sénégalais. Condamné à mort par contumace en RDC pour son rôle présumé dans l’assassinat, il est désormais inculpé par la justice sénégalaise en 2015. Mais à Dakar, la justice ne bouge pas. « Toutes les parties ont été entendues, explique à Afrikarabia l’avocat de Paul Mwilambwe, Domingo Dieng. Mais le Parquet ne semble pas trop chaud à juger ce dossier, alors ils bloquent évoquant des raisons diplomatiques entre les deux pays. »

Avec l’arrivée de l’opposant Félix Tshisekedi au pouvoir, l’espoir de Paul Mwilambwe, d’apporter son témoignage devant une justice indépendante, renaît. Mais Dakar et Kinshasa ne s’accordent pas. Le Sénégal a peur froisser l’ancien président congolais, qui conserve toujours la majorité à l’Assemblée nationale, au Sénat, et contrôle encore l’armée et la justice. Alors, le président Tshisekedi, qui est en coalition pour gouverner avec Joseph Kabila, fait également la sourde oreille. « Nous n’avons aucun contact avec le nouveau pouvoir » nous confie Me Domingo Dieng, qui constate que « visiblement, rien n’a changé en RDC ».

Paul Mwilambwe a récemment quitté le Sénégal pour la Belgique. « Sa famille et ses quatre enfants vivaient dans des conditions déplorables à Dakar, raconte Me Dieng. Il a contacté de nombreux pays occidentaux et la Belgique lui a envoyé une invitation que nous avons transmise au juge d’instruction sénégalais qui lui a rendu son passeport et autoriser à quitter le territoire national pour trois mois. »

Avec la présence de Paul Mwilambwe à Bruxelles, le dossier judiciaire de l’affaire Chebeya pourrait-il rebondir en Belgique, dont la justice possède, comme le Sénégal, la compétence universelle ? « Cela appartient aux autorités judiciaires belges, mais ce serait en effet une bonne chose pour Paul Mwilambwe qui cherche un lieu pour se faire enfin juger, d’abord chez lui en RDC, puis à Dakar… et partout où ce sera possible. Cela ne peut pas être pire qu’à Dakar » se désole Domingo Dieng.

« Seule la pression internationale peut faire bouger le dossier » plaide l’avocat de Paul Mwilambwe. Et la Belgique est sans doute la meilleure porte d’entrée en Europe pour tenter de négocier avec Dakar, mais surtout avec Kinshasa. Les relations entre les deux pays sont revenus au beau fixe depuis l’élection de Félix Tshisekedi, et Bruxelles est à l’avant-poste des pays qui cherchent à accompagner le nouveau président congolais à s’émanciper de Joseph Kabila. Mais le dossier est sensible. Et toucher aux proches de Joseph Kabila est une ligne rouge que Félix Tshisekedi n’a pas encore osé franchir.

Christophe RIGAUD – Afrikarabia

Christophe RIGAUD

A propos de l'auteur

Journaliste, directeur du site Afrikarabia consacré à l'actualité en République démocratique du Congo (RDC) et en Afrique centrale.

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