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Submitted by editeur on 22 May 2015
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Le tribunal de Grande instance de la Gombe doit prononcer aujourd'hui sa décision sur la demande (en appel) de mise en liberté provisoire de notre camarade Fred Bauma. L'audience en Chambre du Conseil s'est tenue hier lundi à la prison de Makala, en présence de deux de ses avocats dont Me Sylvain Lumu.

Le dossier de Fred est vide . Ce qui est encore plus scandaleux, c'est qu'en Chambre du Conseil hier, le Ministère Public a reconnu ne pas avoir d'indices sérieux de culpabilité contre lui, arguant qu'il avait besoin de plus temps pour les trouver. Or, légalement, la détention provisoire n'est justifiable que si le parquet peut démontrer des indices sérieux de culpabilité contre une personne. C'est la condition essentielle de la détention provisoire. On ne détient pas d'abord quelqu'un, pour ensuite chercher les indices de culpabilité. Bien plus, Fred et Yves étaient détenus pendant plusieurs semaines à l'ANR, officiellement "pour raison d'enquête". Quelles sont ces indices que l'on n'a pas trouvé pendant près de deux mois et qu'on continue à chercher ?

Après l'audience d'hier, l'avocat s'est entretenu avec les magistrats. Ceux-ci lui ont dit sans détour: "Maître, Fred est clairement innocent, mais ceci est un dossier politiquement délicat. Si nous devons ordonner sa libération et subir des représailles, il vaut mieux que nous ayons trouvé notre compte. Vas donc, et reviens demain avec ta note de plaidoirie et ses annexes". Ce dernier terme ("annexes") désigne, dans le jargon judiciaire Congolais, le pot de vin pour "motiver" la décision des juges. C'est une pratique très répandue en RDC. Il y a deux semaines, c'était le même scénario avec nos 4 camarades qui étaient détenus à la prison de Goma.

Nous sommes partagés, entre la défense de l'idée que nous nous faisons de la Justice et de l'Etat de droit, et le besoin de voir nos camarades traités dignement et retrouver rapidement la liberté. Surtout, il y a les familles qui sont préoccupées par la liberté de leurs enfants, plus que toute autre considération militante. Nos camarades sont comme des otages dont les bourreaux exigent, sans plus ni moins, une rançon pour les épargner de souffrances et, éventuellement, les libérer. Ce qui n'est pas commun, c'est que les bourreaux sont les représentants de l'autorité de l'Etat !

Vous le savez, pour être épargnés des mauvais traitements, avoir droit aux visites, à communiquer, à se laver, trouver une place assez convenable pour dormir, etc., les détenus sont tenus de payer de l'argent aux bandes organisées qui travaillent en connivence avec les administrations de prisons. Nous l'avons expérimenté avec les 4 camarades à Goma; nous l'expérimentons encore aujourd'hui avec Fred et Yves à Kinshasa. Au Congo, les prisons sont des hôtels où les "clients" sont traités selon leurs moyens. Ca doit révolter !

Il est évident que c'est une pratique généralisée dans le pays. Pourtant tout le monde connaît l'importance du secteur de la Justice dans un système qui se veut démocratique. Pourtant les partenaires du Gouvernement Congolais sont nombreux à soutenir la réforme du secteur de la Justice, l'accès à la justice, le respect des droits humains. Y a-t-il plus grande injustice que celle-ci ?

 

Nous vous écrivons pour vous interpeller, une fois de plus : ONGs de défense des Droits de l'Homme, bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, médias, hommes et femmes de bonne volonté : NE LAISSEZ PAS PERDURER CETTE SITUATION ! Parlez-en avec fermeté avec les autorités, exigez que ça cesse, que les responsables soient punis, sinon prenez des mesures contraignantes (notamment des sanctions contre les responsables politiques, suspension de vos appuis institutionnels, déclarations publiques, ...). Que les médias et les ONGs  dénoncent.

 

Les plus hautes autorités sont au courant de cette situation. Elles ne l'encouragent peut-être pas activement, mais leur inaction et leur léthargie est une caution à ceux qui en profitent. Lors des récents Etats-Généraux de la Justice, le Président de la République, son Conseiller Spécial en matière de lutte contre la corruption, le Ministre de la Justice, le président du Haut Conseil de la Magistrature, ... tous ont reconnu la gravité de la corruption du système judiciaire Congolais. Il est temps que vous leur demandiez de joindre leurs déclarations à l'acte en sanctionnant tous ceux qui sont impliqués.

Nous vous écrivons aussi pour vous rappeler que le dossier de nos camarades est tout, sauf judiciaire. Sous la pression, le gouvernement (l'ANR) les a remis à la Justice (s'en est-il débarrassé pour de vrai, nous ne le savons pas, mais nous l'espérons). Mais voilà que cette "Justice" n'en est pas une. D'où nos doutes justifiés quant à la possibilité qu'ils puissent bénéficier d'un procès juste et équitable.

Quelle est la solution qui reste:
1) Soudoyer la justice en violation de nos idéaux afin d'obtenir leur libération ?

2) Les laisser croupir en prison en sachant que la chance qu'ils soient jugés équitablement est quasiment nulle ?

3) Ou alors continuer la pression (avec vous, pour peu que vous croyez dans le même idéal de justice et de liberté) sur les autorités pour que nos camarades soient purement et simplement relaxés ?

Nous aimerions pouvoir compter sur la troisième option.

Nombreux parmi vous nous ont témoigné de leur soutien depuis le début. Nous vous demandons de mettre encore plus de pression et plus d'engagement dans vos efforts. Ce sur vos actes concrets que nous vous suggérons, et toute la communauté congolaise avec nous. Il est temps de durcir le ton, et de montrer votre intransigeance aux autorités Congolaises.

Nous interpellons en particulier:

- L'Union Européenne qui, sauf erreur de notre part, n'a toujours pas pris position officiellement pour condamner la détention illégale et injuste de nos camarades, et pour prendre des mesures concrètes vis-à-vis des autorités.

- L'ONU, dont nous ne connaissons toujours pas la suite réservée à la plainte individuelle et aux procédures initiées devant le Groupe de Travail sur les Droits Humains et les Rapporteurs Spéciaux à Genève;

- Les principaux partenaires bilatéraux de la RDC, spécialement en matière de Justice et de droits humains (Royaume-Uni, Etats-Unis, France, Belgique, Pays-Bas, Norvège, Suisse, Canada, Suède, Allemagne, Italie, etc.);

- Les ONGs nationales et internationales, dont certaines se sont contentées de faire des déclarations (geste encourageant, mais insuffisant), sans faire le suivi de leurs exigences vis-à-vis des autorités, et dont la mobilisation semble aujourd'hui battre de l'aile;

- L'opinion publique Congolaise en général.

Il y a encore une fenêtre d'opportunité pour la pression: le Parlement, dont le rapport de la Mission d'Information sur le dossier de nos camarades n'a toujours pas été présenté en plénière.

Intervenir sur ce dossier, ce n'est pas seulement soutenir les jeunes militants que nous sommes. C'est soutenir les droits de l'Homme en RDC en général, dans cette période particulièrement cruciale avant les élections. C'est aussi soutenir les valeurs que vous affirmez promouvoir et défendre, en tant que personnes et en tant qu'Etats et organisations. C'est enfin montrer un signe encourageant à la jeunesse Congolaise, que ceux qui ont le courage de lutter pour la démocratie et la liberté, et qui ont fait le choix des alternatives non-violentes, peuvent compter sur la solidarité du monde entier dans leur combat.

C'est de cette unique façon que nous pouvons espérer voir un changement véritable se réaliser dans ce pays, avec l'engagement de plus en plus important de sa jeunesse, "espoir" d'aujourd'hui et de demain.