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Au Congo, le silence entoure la mine oubliée qui avait alimenté les premières bombes atomiques, par Tom Zoellner

Une des ironies manifestes de l’ère nucléaire est juste la façon dont tout cela reste primitif. Une guerre compliquée avait été mise en terme endéans une semaine par une paire de coups de marteau aveugles. La logique derrière les prochaines 45 années de la stratégie militaire de la guerre froide — frappez-nous et nous deux mourrons — était aussi simpliste que cela était problématique. Et à la base de tout, c’était une bombe fabriquée à partir de la terre.

Un type particulier de terre, bien entendu, et qui exigeait un processus industriel somptueux avant qu’il ne puisse être transformé dans un dispositif fissile. Cette terre est l’uranium, et il se trouve partout dans le monde en quantités abondantes. Un endroit où c’était concentré à des niveaux de pureté inhumaine reste maintenant juste une note marginale curieuse de l’ère nucléaire, mais à un moment, c’était tenu au grand secret.

Shinkolobwe était un petit village dans la province du Katanga, dans ce qui était alors le Congo belge. Son nom fait référence à un type particulier de pomme bouillie qui laisserait une brûlure si elle avait été pressée. En 1915, un prospecteur, Robert Rich Sharp, était à la recherche de signes géologiques de cuivre et avait entendu des racontars sur les gens qui se frottaient un type particulier de boue colorée sur leur peau. Il pensa que ça pourrait être du cuivre, mais ce qu’il trouva sur le sommet d’une colline courte était l’uranium, qui peut s'oxyder avec d’autres minéraux dans une variété de couleurs vives.

Pour Monsieur Sharp, cela ressemblait à beaucoup d’argent. L’uranium est le produit mère du radium — le minerai radioactif merveilleux qui avait été récemment isolé par Pierre et Marie Curie. Une société belge recruta une main-d’œuvre indigène et creusa une fosse mitoyenne qui remontait le radium pour plus de 20 ans avant que le marché se gâta et la fosse fut autorisée d’être rempli avec de l’eau grisâtre sale. Mais quand les chercheurs britanniques apprirent dans les années 1930 les expériences des réactions en chaîne de l’uranium qui pourrait être contraint à exploser dans les bonnes conditions, ils commencèrent discrètement des demandes sur les réserves de barils d’uranium — précédemment considérées comme presque sans valeur — de Shinkolobwe.


Gardiens de l’extérieur de la mine d’uranium de Shinkolobwe, en Mars 1953.

Beaucoup de barils avaient été expédiés à un entrepôt d’huile végétale à Staten Island,  à New York. Le 18 septembre 1942, une des transactions les plus importantes de la Seconde Guerre mondiale eut lieu dans un bureau au centre de Manhattan. La société Belge Société Générale proposa de vendre de l’uranium de Shinkolobwe à l’armée américaine pour un peu plus de 1 $ la livre.

Cela avait retourné la mine de Shinkolobwe dans les affaires. La Société Générale entreprit d’avoir l’eau pompée et réembaucha une petite armée de travailleurs Congolais à travailler dans l’exploitation minière secrete, sale, dangereuse et imprégnée d’irradiation de l’uranium pour le projet Manhattan. La mine fournissait près des deux tiers de l’uranium (le reste était venu du Canada et du Colorado) utilisé dans la bombe larguée sur Hiroshima le 6 août 1945, et fourni une grande partie du plutonium — un sous-produit encore plus volatile de la fission de l’uranium — utilisé dans la bombe larguée sur Nagasaki trois jours plus tard.

La mine produisit de l’uranium pour les armes nucléaires américaines jusqu’en 1960, lorsqu’assez des mines d’uranium furent ouvertes dans le Sud-ouest américain pour répondre à la faim nucléaire, et Shinkolobwe fut fermée. Les Belges coulèrent du béton dans le puits de mine et fermèrent la fosse.

Je me suis rendu à Shinkolobwe en 2007, à 193 kilomètres de la ville de Lubumbashi sur de routes désintégrées à travers la forêt tropicale. Le permis pour y aller coûtait 80 $, payable à un membre de l’équipe présidentielle. Nous avions dû marcher les derniers kilomètres jusqu’à ce que nous atteignîmes une clôture décrépite envahie par les vignes.
 

Un homme entre dans un tunnel creusé à la pelle dans la mine de Shinkolobwe, dans 2004. Schalk van Zuydam/AP

La colline de Monsieur Sharp avait cédé la place à une immense fosse, qui avait été mâché au cours des décennies par des mineurs indépendants locaux. Le puits de la mine que les Belges avaient construit et ensuite remplis de béton avait été creusé un peu à l’écart sur une profondeur d’environ 100 pieds et tomba. La scène était inquiétante, mais calme. Bien qu’on avait dit que c’était fortement gardé, il n’y avait pas de soldats ou de policiers pour mettre notre visite en question.

Le lieu de naissance de la bombe avait été oublié par le monde extérieur, mais pas partout. Des équipes de mineurs congolais glissaient à l’intérieur du vieux puits pour récupérer les fournitures résiduelles du cuivre et de cobalt, qu’ils vendent sur le marché noir. Il ya eu des rumeurs persistantes — et en certains cas occasionnels — des hommes d’affaires locaux qui vendent de l’uranium à des tiers. Il est également prouvé que quelque quantité de l’uranium de Shinkolobwe avait trouvé du chemin jusque dans les centrifugeuses iraniennes, bien que ceci reste à confirmer publiquement par les agences de renseignement occidentales.

A certains égards, je sentais [que], c'etait un monument  aussi important de l’âge nucléaire comme Hiroshima et Nagasaki, qui avait été improbablement et incroyablement détruit, par la terre provenant de cette fosse en 1945. Les fantômes de ces villes rasées hantent le monde d’aujourd’hui.

Ils ont depuis été reconstruits, mais Shinkolobwe sommeille dans la forêt. Les géologues rapportent que la fosse contient encore une quantité importante d’uranium, assez pour faire au moins un peu plus de bombes. Le terrain est ouvert. L’uranium là-dedans avait existé depuis le début de la terre. Ca se désintègre continuellement.

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