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Amputée d'un bras aprés une blessure par balle, une femme se repose sur  son lit dans la Ville de Tshikapa.

Derrière des meurtres, l'État congolais

AFRIQUE CENTRALE: Des agents liés aux autorités de la Ré- publique démocratique du Congo (RDC) sont impliqués dans les meurtres de deux experts de I'ONU en mars 2017 dans le centre du pays. Ces révélations découlent d'une enquête publiée cette semaine par RFI et Reuter. Les deux médias ont montré, grâce aux « fadettes », les listes d'appels téléphoniques, que les victimes, l'Américain Michael Sharp et la Suédoise Zaida CataIan, avaient été en contact régulier dans les jours précédant leurs assassinats avec au moins deux personnes très proches des services de renseignements de Kinshasa. Curieusement, ces liens n’ont pas été évoqués lors du procès des présumés tueurs, toujours en cours devant la justice congolaise alors même que les documents analyses proviennent du dossier d'instruction. Tout aussi étonnant, ils n'ont pas non plus été soulignés dans le rapport de I'ONU consacré ces crimes, bien que les rapporteurs ont eu accès au dossier.

Michael Sharp et Zaida CataIan ont disparu le 12 mars 2017 en se rendant à Bunkonde, un village dans l'une des provinces du Kasai. IIS devaient y rencontrer des membres du Kamuina Nsapu, Amputée d'un bras après une blessure par balle, une femme se repose sur son lit dans la Ville de Tshikapa. Une milice locale en lutte contre les autorités. Leurs dépouilles massacrées devaient âtre retrouvées le 27 mars. Très vite, une vidéo apparaissait où l'on voyait les deux experts prisonniers des miliciens. Le film permettait l'arrestation rapide de plusieurs d'entre eux. Cette vidéo avait pourtant soulevé des questions notamment car certains miliciens portaient des tenues étrangement neuves.

Une première enquête de RFI avait permis de montrer que les deux experts avaient été intentionnellement induits en erreur par une personne censée les aider matériellement et d'un point de vue sécuritaire. Ainsi, peu avant leur déplacement à Bun onde, un village considéré comme dangereux, ils avaient rencontré un chef traditionnel de la zone. Ce dernier leur avait déconseillé de s'y rendre, précisant qu'il ne pouvait garantir leur sécurité. Or l'interprète, Btu Tshintela, a traduit au contraire que la région était sûre, comme le prouvent les comptes rendus de la conversation enregistrée discrètement par Zaida Catalan.

L'analyse des « fadettes » a permis d'aller plus loin. Elle démontre que Betu Tshintela téléphonait régulièrement à José Tshizubu afin d'organiser le voyage des deux enquêteurs à Bunkonde. José Tshibuabua, présent également lors de l'entretien avec le chef traditionnel, travaillait pour l'Agence nationale de renseignements (ANR), les services congolais. Cet homme a d'ailleurs des contacts téléphoniques fréquents avec le chef local de I'ANR, Luc Albert Tanga, tant avant qu'après l'assassinat des experts.

José Tshibuabua a été arrêté la semaine dernière, inculpé pour meurtre et incarcéré. Selon ses avocats, il nie toute implication et affirme ne plus travailler pour I'ANR. Le directeur de I'ANR, Kalev Mutond, a cependant confirmé à RFI et Reuter que José Tshibuabua contribuait comme « informateur » à l'agence mais qu'il n'avait en rien tenu au courant ses supérieurs des faits et gestes des experts. Le mystère entourant les assassinats ne fait que s’épaissir.

Au moment de leur mort, ils enquêtaient sur les massacres secouant le Kasaï-Central depuis plusieurs mois. Des tueries déclenchées par la mort en août 2016, lors de son arrestation par les forces de sécurité congolaises, d’un certain Jean-Pierre Mpandi, le Kamuina Nsapu, une chefferie traditionnelle. Ce décès, sur fond de querelles de succession, a Vite dégénéré en luttes tribales sanglantes, luttes que beaucoup soupçonnent d'être instrumentalisées. Les raids et les vengeances ont fait au moins 3 883 morts seIon l'Église catholique, un chiffre sans doute très sous-estimé, et 1,4million de déplacés. Dans un rapport publié le 20 décembre, la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) évoque un « chaos organisé ».

"Les crimes perpétrés dans le territoire de Kamonia ont été planifiés, dirigés et commis par des agents de l'État congolais"

FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES DROITS DE L'HOMME.

Témoignages recueillis sur la situation dans le territoire de Kamonia, dans le sud du Kasaï, auprès de Congolais ayant fui en Angola recensent une longue liste d'horreurs. Des villages détruits à l'arme lourde ou incendiés, des attaques d'hôpitaux ou d'églises, des exécutions, des mutilations, des viols... Tout l'arsenal de la terreur semble avoir été déployé pour écraser des populations rebelles l'autorité.

Le village de Cinq, attaqué le 24 avril par une milice, les Bana Mura, proche des autorités gouvernementales, est un cas d'école. Les survivants racontent que les assaillants avaient été équipés. « Les fusils avaient l'air neuf. Les machettes, elles aussi, brillaient. » Les tueurs sont des gens des environs. Une femme mutilée raconte : « L'homme qui m'a coupé le bras, je le connais, bien sûr. C'est un voisin ». « Les crimes perpétrés dans le territoire de Kamonia ont été planifiés, dirigés et également commis directement par des agents de l'État congolais ainsi (...) que par les Bana Mura, qu'ils ont contribué à structurer et à armer », conclut l'organisation.
 

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