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Joseph Kabila pour Toujours : Les dangers d’une présidence prolongée en République Démocratique du Congo, publié dans la politique étrangère

Kenneth Roth       Ida Sawyer

 

 

Kinshasa, République démocratique du Congo — Joseph Kabila, le président de la République démocratique du Congo, est confronté à un choix historique : Va-t-il démissionner quand ses limités constitutionnelles de deux mandats viennent à terme en Décembre 2016, ou va-t-il succomber à l’illusion du « caractère indispensable » qui fait les tours dans certaines parties de l’Afrique et essayer de se cramponner au pouvoir ?
La question fait l’objet d’un débat intense au Congo. Lorsque nous avons rencontré Kabila la semaine dernière à Kinshasa, il a souligné — correctement — qu’il n’a pas encore déclaré publiquement sa position sur ce qu’il fera en 2016. « Attendons voir ce qui va arriver », a-t-il averti. Mais il n’a presque rien fait pour endiguer les spéculations intenses sur sa réticence possible à lâcher le pouvoir.
 
Si Kabila choisit de se conformer à la Constitution, il deviendrait le premier président congolais à démissionner volontairement pour un autre président élu — faisant de lui sans doute, le « père de la démocratie » au Congo. Ce sera un grand pas en avant pour une nation qui a subi la domination coloniale brutale sous le roi Léopold II de Belgique, des décennies de dictature postcoloniale sous Mobutu Sese Seko, puis des années de guerre meurtrière dans laquelle une constellation de groupes rebelles et les armées de neuf Etats africains se sont affrontés sur le sol congolais.

Kabila est arrivé au pouvoir en 2001 à l’âge de 29 ans, suite à l’assassinat de son père, Laurent-Désiré Kabila. Il ne manque pas ses réalisations au pouvoir. Sous sa direction, le Congo a émergé des années sombres de la guerre, et il a conduit un gouvernement de transition qui en 2006 a provoqué les premières élections démocratiques du pays en plus de 40 ans, qu’il a remporté. Avec un succès mitigé, il a cherché à stabiliser la partie orientale du pays, qui a été en proie à des groupes armés qui continuent de tuer, de violer et de piller, et il a cherché à mettre fin à l’impunité qui souscrit à ces atrocités. Son gouvernement a demandé à la Cour pénale internationale d’enquêter sur les crimes commis au Congo et a livré plus de suspects à cette cour que tout autre gouvernement dans le monde.

Sa politique de « tolérance zéro » envers la violence sexuelle par les forces de sécurité — annoncé deux jours après que nous l’avions encouragé de prendre cette mesure lors d’une réunion dans la ville congolaise de Goma en 2009 — a conduit à une avalanche de poursuites au niveau national et une réduction notable de plaintes sur le viol par des soldats gouvernementaux. Et à la fin de 2013, il a réussi à débarrasser l’est du Congo de la dernière, d’une succession de groupes rebelles violents, parrainés par le rwandais qui opéraient dans la région depuis 15 ans.

Pourtant, si Kabila choisit d’essayer de s’accrocher au pouvoir, sa réputation sera ternie non seulement par le non-respect de la limite constitutionnelle de deux mandats non modifiable, mais aussi par la probabilité d’une réaction en chaîne violente et abusive. Pour imaginer comment une telle spirale descendante de la protestation et de la répression violente pourrait se dérouler au Congo à cause de l’extension du mandat présidentiel contesté, il suffit de regarder pas plus loin que le Burundi, où l’insistance du président Pierre Nkurunziza sur un troisième mandat constitutionnellement douteux s’est résulté a une répression meurtrière des manifestations populaires.

En Janvier, lorsque le gouvernement de Kabila a tenté de modifier la loi électorale pour permettre l’extension de son mandat, des milliers de personnes sont descendues dans les rues des grandes villes du Congo pour protester. Les forces de sécurité gouvernementales ont répondu par la violence et la répression, tuant au moins 38 manifestants à Kinshasa et cinq à Goma, et l’emprisonnement — et parfois tabassage et torture — de politiciens et activistes qui ont été vus contester l’idée d’une présidence prolongée.

Pourquoi Kabila pourrait-il vouloir rester après son mandat ? Au-delà des avantages du pouvoir, beaucoup pensent qu’il craint pour lui et sa famille. Par exemple, lors de notre réunion, il a soulevé le spectre du premier dirigeant démocratiquement élu du Congo, Patrice Lumumba, qui a été exécuté après un coup d’Etat apparemment soutenu par l’Occident. « Ai-je réussi ? Je ne sais pas. Lumumba est le véritable père de la démocratie, et il a été assassiné ».

En outre, selon les initiés politiques et les journalistes d’investigation, la famille Kabila a amassé une fortune considérable, ce qui pourrait les rendre vulnérables à de futures enquêtes. Plus, Kabila en 2016 aura seulement 45 ans ; ceux qui sont proches de lui disent qu’il n’a aucune envie de quitter le Congo, mais il n’y a pas de précédent congolais d’un ancien président assumant un rôle de vétéran de la politique de la sorte joué par Nelson Mandela en Afrique du Sud, ou Olusegun Obasanjo du Nigeria.

Pourtant, Kabila a peu de marge de manœuvre. Un large consensus a émergé dans le pays qui un troisième mandat présidentiel formel est constitutionnellement impossible, alors les Congolais parlent plutôt d’un « glissement » possible — l’utilisation d’un prétexte pour permettre aux limites prescrites pour son deuxième mandat à « glisser ».

Le prétexte pourrait être l’intensification du conflit armé dans l’est, ce qui rendrait la perspective d’élections véritablement nationales difficiles. Ca pourrait être le manque apparemment délibéré des préparatifs des élections : peu du budget a été financé, et aucune mesure n’a été prise pour enregistrer les plus de 5 millions de jeunes qui sont arrivés à maturité depuis la dernière élection nationale en 2011. Ou ça pourrait être l’insistance du gouvernement à procéder avec les plans compliqués de découpage de 11 provinces du pays en 26, puis la tenue des élections locales et provinciales avant les élections nationales — un séquençage qui pourrait conduire à un glissement significatif.

Mais il est difficile d’imaginer comment un de ces scénarios saurait acheter à Kabila plus de un an ou deux au pouvoir. Ce serait bien peu de choses pour lui, tout en sapant de manière significative ses intérêts.

Les procureurs, par exemple, seraient beaucoup moins enclin à agir contre un ancien président qui est respecté pour avoir renforcé le fondement de la démocratie congolaise en remettant le pouvoir à un chef nouvellement élu en temps opportun, que celui qui a supervisé l’intensification d’une série de brutalité contre le publique qui semble clairement vouloir un transfert du pouvoir constitutionnellement mandaté. Une période tumultueuse de répression fera également moins probable que l’approbation d’un successeur sympathique à Kabila réussirait — une autre option qui pourrait aider Kabila à protéger ses intérêts.

Nous avons avancé ces arguments à lui directement dans notre réunion de la semaine dernière, mais le président était timide pour y répondre : « Pourquoi essayez-vous d’anticiper ce qui va arriver ? »
Il était plus réactif lorsque nous avions souligné l’importance de permettre aux gens de protester et de critiquer le gouvernement, en particulier en période électorale, mais il se couvera de son attachement aux principes démocratiques : « Les gens veulent organiser des manifestations et des protestations, assez bien. Mais si l’idée est d’aller au-delà des manifestations libres et créer le chaos et l’anarchie, cela est totalement inacceptable. » Nous notions que la démocratie peut-être sale cependant, sans violence, ne devrait pas être assimilée à l’anarchie. Il laissa le point sans réponse.

Kabila a mis un accent particulier sur la nécessité d’assurer la stabilité. « La question au Congo est la stabilité.  Démissionner — tout le monde peut démissionner ». Mais, encore une fois, ce n’était pas clair comment une extension contestée de son mandat, couplée à la protestation et de la répression serait susceptible de contribuer à la stabilité du Congo.

Kabila a proposé un dialogue national pour aplanir les questions électorales. S’il avait d’indique clairement son intention de renoncer au pouvoir au temps prévu et indiquer que le dialogue était pour discuter sur des modalités pour les prochains tours des élections, conformément à la Constitution, les Congolais seraient probablement content de cette opportunité. Mais dans sa manière généralement cryptique, il a laissé les gens spéculer que le dialogue pourrait être juste un autre stratagème pour glissement.

Quand nous avions terminé notre rencontre, Kabila suggéra cordialement que les arguments que nous avons faits n’étaient pas au-delà de la pâle. Il écouta poliment et même plaisanta : « Vous dites ." Père de la démocratie". Vous n’êtes pas le premier à le dire et vous ne sera pas la dernière.» Mais il n’avait donné aucune indication s’il avait accepté ou rejeté nos suggestions. Il a simplement demandé : “Quant à mon avenir, continuer à prier pour moi”. Pour le bien de l’avenir de la démocratie au Congo, nous ne pouvons qu’espérer que Kabila comprenne que son intérêt personnel, pour ne pas mentionner celui de son pays, réside dans l’acceptation, plutôt que les combats abusifs, contre les limites que la Constitution congolaise impose clairement.

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