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Sasha Lezhnev  et John Prendergast ; projet Enough

La kleptocrate violente du Congo à la croisée des chemins, par ,Sasha Lezhnev, John Prendergast

A quinze minutes avant minuit du réveillon de Nouvel An, les premiers feux d’artifice avaient éclaté en République démocratique du Congo. Il ne s’agissait pas de célébrer une nouvelle année, mais plutôt de signer un accord qui, si mis en œuvre, ouvre la voie à la première transition pacifique et démocratique du pouvoir du pays.

Beaucoup de mois dans le montage, l’affaire était une réalisation importante. L’accord a de nombreuses variables : le président Joseph Kabila s’était engagé à ne pas tenir un référendum pour changer la constitution pour lui permettre de briguer un autre mandat ; l’opposition accepta de ne pas retarder les négociations en raison de l’affaire en cours de Justice de l’un de ses principaux dirigeants, Moïse Katumbi ; tous avaient convenu de tenir des élections en 2017 ; et le gouvernement a accepté de laver les accusations contre plusieurs prisonniers politiques, mais pas tous.

Avant de jeter un regard sur le processus difficile de mise en œuvre, il est important de regarder en arrière pendant un bref moment pour comprendre ce qui a permis à cet accord d’être réalisé.

Les évêques catholiques du Congo ont fourni une médiation très compétente, mais les négociations devaient également être mûries, car les différentes parties ne voyaient toujours pas dans leur intérêt de parvenir à un accord. Cet élan est venu sous formes locales et internationales : activisme déterminé des mouvements congolais de la démocratie LUCHA, FILIMBI, et d’autres, qui ont continué des démonstrations en face des interdictions de protestation et des arrestations de leurs chefs ; une pression internationale et une attention accrue de la part des Etats-Unis et de l’Europe, en particulier par des sanctions ciblées coordonnées menées par l’émissaire américain Tom Perriello et l’envoyé belge Renier Nijskens ; la diplomatie régionale et les pressions, notamment par l’Angola ; les compromis de l’opposition et du gouvernement ; et, aux États-Unis, une coalition bipartisane de partisans du mouvement parlementaire, activiste et ONG pour le changement démocratique jamais vue au Congo.

Les sénateurs Markey, Durbin, Flake et Coons, et les représentants Chris Smith, Bass, Royce et Engel méritent des éloges pour maintenir la pression.

Cette coordination entre le Congolais et les États-Unis et la menace d’une pression financière encore plus lourde de la part de l’administration Obama, de l’Europe et des conseillers d’équipe Trump ont donné à Kabila peu de marge de manœuvre et l’accord fut signé juste avant le délai de minuit le 31 décembre.

Toutefois, tout indique que Kabila va entraver la mise en œuvre de l’accord, et la réalité est que le gouvernement congolais a une longue histoire de renier les accords en semant la confusion dans la phase de mise en œuvre. L’accord met effectivement fin à l’avenir politique de Kabila et laisse sa puissante famille, ses alliés commerciaux et ses hauts gradés militaires, dont beaucoup ont profité personnellement des accords illicites lucratifs sur les ressources naturelles, dans un état d’incertitude. Les observateurs avertis sur les négociations disent que l’équipe de Kabila a été renversée par le dernier gambit de Katumbi pour ne pas retarder la signature. Kabila est maintenant, semble-t-il, mécontent de ses négociateurs pour avoir succombé sur son principal problème : tenir un référendum pour changer la constitution.

Les excuses du gouvernement congolais quant à la raison pour laquelle l’accord ne peut pas être mis en œuvre comprendront vraisemblablement qu’il n’est pas suffisamment inclusif, qu’il viole d’une certaine manière la constitution et qu’un « accord de mise en œuvre » doit encore être négocié. Les responsables congolais ont déjà commencé à émettre des déclarations dans ce sens. Kabila pourrait également déclarer un état d’urgence, soutenant que le conflit dans l’est du Congo est en train de s’aggraver et empêcher la réforme démocratique de prendre place.

Pour l’avenir, il est essentiel que les États-Unis, l’Europe et la société civile congolaise tiennent le gouvernement congolais et l’opposition aux principaux points de référence qu’ils ont acceptée, et monter la pression financière et juridique contre ceux qui ne s’en conforment pas.

Cinq points de repère sont à noter :

[1] Premièrement, les parties doivent se mettre d’accord sur un jour d’élection, puis adopter un calendrier réaliste pour organiser le processus.

Ils doivent décider rapidement des élections qui auront lieu en 2017 (présidentiel, législatif et/ou local) et commencer la mise à jour du fichier des électeurs.

Les élections présidentielles sont la priorité, et les experts ont dit que le fichier des électeurs pourrait être mis à jour en 2017, mais la présidence essaiera probablement de retarder ces décisions et d’excuser qu’il n’y a pas assez de temps pour accomplir l’une ou l’autre tâche. Ils devraient également accroître la transparence du processus électoral.

[2] Deuxièmement, les parties devraient bientôt mettre en place un comité de surveillance de l’accord. Les membres doivent être choisis, et les parties doivent définir leur autorité précise.

[3] Troisièmement, ils devraient choisir une date pour le changement des Premiers ministres et du gouvernement de transition. L’opposition a choisi son candidat, et le gouvernement devrait maintenant fixer une date dans un proche avenir pour la remise et reprise.

[4] Quatrièmement, les affaires juridiques de prisonniers / militants politiques en exil doivent être résolues. Le gouvernement doit défaire les charges de quatre personnes clés comme convenu, les évêques devraient poursuivre leur médiation sur les trois autres cas, et le comité des magistrats doit être établi pour traiter les autres cas. D’autres militants de LUCHA et de FILIMBI devraient également être libérés.

[5] Cinquièmement, les médias qui ont été fermés doivent être rouverts. Le gouvernement devrait maintenant débloquer les six médias congolais et le signal de Radio France International qui a été fermé en 2016.

La communauté internationale a exprimé un soupir de soulagement sur l’idée qu’un accord ait été signé au Congo, mais de nombreux membres de la société civile congolaise expriment un fort scepticisme quant au fait que les termes de l’entente ne seront pas respectés.

Les États-Unis et l’Europe ont joué un rôle primordial dans la phase préliminaire, et ils doivent maintenant être prêts à continuer de tirer parti le processus en cas de besoin, par des mesures de lutte contre le blanchiment d’argent qui augmenteraient la pression financière, des sanctions de plus haut niveau et des pressions juridiques.

Le Congo est une kleptocrate violente depuis plus d’un siècle, et ce système corrompu doit finalement être démantelé pour que le Congo ait une chance de paix et de stabilité à long terme. La mise en œuvre de cet accord constituerait une bonne première étape dans cette direction.

Sasha Lezhnev est directrice adjointe de la politique au projet Enough.

John Prendergast est le directeur fondateur du projet Enough.

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