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Le bilan des morts en RD Congo s’alourdit, des arrestations massives après les manifestations

Le bilan des morts en RD Congo s’alourdit, des arrestations massives après les manifestations

La République démocratique du Congo se trouve à un moment crucial: l’échéance du 19 décembre ­– à laquelle le président Joseph Kabila est censé se retirer au terme de son deuxième et dernier mandat autorisé par la constitution – approchant rapidement, les autorités ont délibérément retardé les projets d’organisation d’élections, le président Kabila a refusé à maintes reprises de déclarer en public s’il quittera ses fonctions, et ceux qui lui sont loyaux ont systématiquement cherché à faire taire, réprimer, ou intimider la coalition grandissante de voix appelant au respect de la constitution.

L’équipe RD Congo de Human Rights Watch fera usage de ce blog pour fournir des mises à jour en temps réel, des rapports de terrain, ainsi que d’autres analyses et commentaires pour aider à informer le public sur la crise actuelle et pour exhorter les décideurs politiques à agir maintenant pour aider à empêcher une escalade de la violence et des violations des droits humains en RD Congo – avec de possibles répercussions volatiles dans toute la région.

 

Les rues de Kinshasa et d'autres villes de la République démocratique du Congo étaient plus calmes hier, après les manifestations meurtrières de mardi, alors que de nombreuses familles essayaient en vain de retrouver leurs proches arrêtés ou tués. D'autres sont restés chez eux, craignant une recrudescence de la violence et de la répression. Aujourd'hui, ils étaient nombreux à avoir repris le chemin du travail et de l'école, mais la situation reste précaire.

Human Rights Watch a confirmé que les forces de sécurité congolaises ont tué au moins 34 personnes lors des manifestations de mardi, dont 19 à Kinshasa, 5 à Lubumbashi, 6 à Boma et 4 à Matadi. Nous avons reçu un certain nombre d’informations supplémentaires que nous continuons de vérifier.

Une famille de Kinshasa nous a parlé de Jacob, un chauffeur de la commune de Masina qui est sorti de chez lui vers une heure du matin pour prendre un appel téléphonique, une heure après le terme des deux mandats constitutionnels du président Joseph Kabila, alors que beaucoup se trouvaient déjà descendus dans les rues pour clamer que le règne de Kabila était révolu, à l’aide de sifflets et en tambourinant sur des pots et des casseroles. Rapidement, des militaires sont apparus, accusant Jacob de « parler aux rebelles qui planifiaient une attaque contre Kinshasa », avant de l’arrêter. Plus tard, la famille de Jacob s’est rendue à la base militaire se trouvant près de son domicile pour tenter de négocier sa remise en liberté. Mais les militaires leur ont conseillé de rentrer chez eux et de « pleurer sa mort ».  Peu de temps après, les voisins ont trouvé le corps de Jacob dans un trou au bord de la route, à environ 200 mètres de son domicile.

Le bureau des Nations Unies aux droits de l'homme a également signalé qu’au moins 19 personnes ont été tuées mardi à Kinshasa, alors que le porte-parole de la police soutient que le nombre de morts s’élève à 9 personnes à Kinshasa, fauchées selon lui par des balles perdues. Dans l’ensemble du pays, a-t-il déclaré, 22 personnes avaient été tuées lors de manifestations entre le 18 et le 21 décembre, dont 3 à Matadi, 2 à Boma et 8 à Lubumbashi. Le porte-parole a également affirmé que plus de 270 personnes avaient été arrêtées.

À Goma, hier matin, la police a arrêté 19 activistes du mouvement de jeunes pro-démocratie LUCHA, alors qu'ils tentaient de faire un sit-in pacifique devant le bureau du gouverneur. Un journaliste étranger observant la manifestation a été détenu plusieurs heures durant. Au moins cinq journalistes internationaux ont été détenus, puis remis en liberté, à Kinshasa et à Goma.

Sept activistes de LUCHA et un passant ont également été arrêtés hier à Mbuji-Mayi alors qu’ils discutaient de leurs prochaines activités. Deux d’entre eux ont été présentés aujourd’hui au bureau du procureur, les six autres libérés cet après-midi. Ce matin, au moins 14 activistes des mouvements de jeunes LUCHA, Filimbi et Réveil des Indignés ont été arrêtés lors d'un sit-in devant l'assemblée provinciale de Bukavu. Ils ont été ensuite remis en liberté.

À Oicha, dans l'est de la RD Congo, plusieurs dizaines de personnes, pour la plupart des jeunes, ont été arrêtées lundi soir après avoir appelé Kabila, usant de sifflets et de casseroles, à quitter ses fonctions. Des activistes locaux de la société civile ont indiqué que beaucoup d'entre eux avaient été maltraités en détention. Ils ont été remis en liberté mardi.

En outre, le mardi 20 décembre, un tribunal de Kinshasa a rejeté l'appel à la libération provisoire d'un prisonnier politique, Jean-Claude Muyambo, détenu depuis les manifestations politiques dans la capitale de janvier 2015. Le même jour, un tribunal a autorisé le transfert de Franck Diongo, un leader de l'opposition arrêté lundi, dans un hôpital. Les avocats de Diongo affirment qu’il a été gravement maltraité lors de son arrestation.

Certains habitants de la commune de Ngaba, à Kinshasa, ont tenté de manifester hier matin, mais ont été rapidement dispersés par la police. Dans la commune de Matete, des fouilles porte à porte par des militaires ont été signalées, de même que de nombreuses arrestations en l’absence de mandat. Des arrestations ont également été signalées dans de nombreuses parties de Kinshasa hier soir et aujourd’hui.

Des manifestations plus petites et des coups de feu sporadiques ont été signalés hier à Lubumbashi. Mardi, des manifestants ont saccagé ou brûlé un certain nombre de locaux gouvernementaux, notamment des établissements de santé et de l’environnement, un tribunal, des postes de police, et un bureau de l'administration locale. Des stations-service, le « Stade Joseph Kabila » et des véhicules privés ont également été visés. La nuit dernière, Human Rights Watch a été alertée de nombreuses arrestations de jeunes dans les quartiers de Gécamines et de Katuba. La situation est plus calme aujourd'hui, mais la peur est palpable dans cette ville du sud, assurent les activistes locaux.

Depuis mardi, dans plusieurs régions du pays, des tensions récurrentes ont éclaté, sans que leurs liens avec la crise politique nationale soient clairement établis. De violents combats entre les forces de sécurité locales et un groupe religieux ont été signalés à Lisala, dans le nord-ouest. Les premières informations d'activistes locaux évoquent au moins 17 morts. Dans la capitale provinciale de Kananga, au centre du Congo, les combats se sont poursuivis jusqu'à jeudi. Human Rights Watch n'a pas encore reçu d’information faisant état de victimes. Au cours des derniers mois cependant, des dizaines de personnes auraient été tuées sur place et dans la ville voisine de Tshikapa lors d’affrontements opposant une milice locale à l'armée congolaise. Dans le sud-est du pays, à Manono, les affrontements entre milices Batwa et Luba se sont à nouveau intensifiés, ce qui aurait fait des dizaines de blessés et au moins 11 morts, d’après un témoin. D'autres évoquent un bilan bien plus lourd.

Dans l'est de la RD Congo, des factions rivales des milices Mai Mai s’affrontaient hier et encore ce matin à Bwalanda, un territoire à l’ouest de Rutshuru. Selon les premières informations fournies par des organisations civiles locales, au moins 17 civils et un officier de police ont été tués. Human Rights Watch a documenté la manière, depuis novembre 2015, dont les luttes interethniques entre milices de la région ont coûté la vie à 170 civils.

Parallèlement, le dialogue entre la coalition au pouvoir et l’opposition a repris hier après-midi sous les auspices de l’Église catholique, les évêques étant de retour à Kinshasa. Ceux-ci ont appelé à l’ouverture d’une enquête indépendante sur les meurtres commis mardi et la nécessité de conclure un accord avant Noël. Certains dirigeants de l'opposition affirment vouloir donner au dialogue une chance avant d'appeler à une autre série de manifestations, mais beaucoup dans la rue disent qu'il est trop tard : « Le temps de Kabila est écoulé et il doit partir ». Il reste à voir à quel point ils seront disposés à se mobiliser face aux tactiques létales et répressives employées par le gouvernement.

Plusieurs gouvernements ont fait des déclarations fortes ces derniers jours, notamment les États-Unis, la France, l’Allemagne, la Belgique, le Royaume-Uni, le Canada et l'Union européenne, qui ont condamné les violences récentes et apporté leur soutien à la médiation de l’Église catholique pour parvenir à un accord inclusif. Certains ont expressément averti qu'ils étaient prêts à imposer des sanctions ciblées supplémentaires, et que leurs relations et la coopération au développement avec la RD Congo changeront à présent, compte tenu de la légitimité diminuée de Kabila après le 19 décembre.

 

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