Skip to main content

LES DANGERS DE LA NÉGOCIATION

Dans une lettre du 18 aout 2016, dont le sujet, était, « Prévenir une plus grande crise en République démocratique du Congo par la pression et incitation financières supplémentaire » que neuf experts américains ont adressée au Secrétaire d’Etat John Kerry, ils ont tiré la sonnette d’alarme sur ce danger imminent de la façon suivante. 

« Nous sommes profondément préoccupés par la crise croissante de la démocratie en République démocratique du Congo, qui pourrait devenir une véritable crise avec des conséquences graves pour la région si les mesures ne sont pas prises pour l’empêcher… Nous croyons fermement que les États-Unis peuvent et doivent maintenant exercer plus de leadership pour aider à faciliter une transition démocratique réussie et que la pression financière et en plus d'autre est nécessaire, ainsi que des incitatifs». Nous avions noté que parmi ces neufs experts, l’architecte de la scission du Soudan, entre le Sud et le Nord, un homme très influent. Le recoupement de derniers évènements en RD Congo et la fragmentation de l’opposition nous forcent à mettre en exergue, les dangers de la négociation.

En fait, les neuf experts américains ont vu si juste qu’ils demandent dans la lettre que « la Cour pénale internationale exerce une influence sur les acteurs puissants dans la région ». Ils ajoutent dans la même lettre que « le Département d’Etat devrait encourager le procureur en chef de la CPI d’annoncer qu’elle procédera à un examen préliminaire sur la RDC pendant la période électorale, en notant que de graves crimes commis par le régime et d’autres ne resteront pas impunis ».

Une analyse succincte de l’opposition Congolaise, nous a prouvé qu’elle n’est pas si fragmentée qu’on le penserait. Comme vous le verrez dans le Matrix de la Lutte Non-Violente ici-bas, le groupe composé par MLC et UNC réfléchit tactiquement avec pragmatisme. Mais l’autre groupe composé par l’UDPS et le G7 réfléchis comme nous, c.-à-d. stratégiquement avec pragmatisme. Notre tâche est de prouver scientifiquement aux deux parties dans le quatrième quadrant de rallier les autres dans le troisième quadrant strategico-pragramatique. Pour ce faire, nous allons emprunter la sagesse du professeur Gene Sharp d' Albert Einstein Institute, le savant de la lutte non-violente dont la théorie a été utilisée à travers le monde pour triompher sur la dictature.

Il faut avouer que c’était une semaine chargé, en aval du flux des évènements commencer à partir du 13 Aout par les massacres de Beni, un Premier ministre hué et savonné par la population locale ; les habitants de Butembo interdit d’entrer dans la ville de Beni après avoir marché environ 50 kilomètres  et un président succombant dans la peur qui passait la nuit dans une tente et par après dans la maison principale aussitôt que la marine du Rwanda s’était mise à patrouiller le lac Kivu.

Nous pensons que la presse a une vision de 180 à 360 degrés sur les différents évènements qui se passent en RD Congo et que les leaders ne possèdent qu’une vue de 90 %. De ce fait, nous osons croire qu’il n'est pas trop tard de se mettre en bloc, car il y a de vrais dangers dans toute négociation avec une forte dictature.

Le professeur Gene Sharp (ci-après, le professeur) avait écrit que « confrontées aux graves problèmes d’une dictature, certains peuples s’installent dans une attitude de soumission passive. D’autres, ne voyant aucune possibilité d’aller vers la démocratie, concluent qu’ils doivent composer avec cette dictature apparemment indestructible, en espérant que, grâce à la « conciliation », au « compromis » et aux « négociations », il sera possible de sauver quelques éléments positifs et de mettre fin aux brutalités ». Hélas, nous avons vu que malgré la promesse d’un grand nombre des opposants pour participer dans la négociation, cela n’a pas empêché les massacres de Béni et la libération que d'un petit nombre de prisonniers politiques.

Nous avons lu le rapport de l’entretien des membres de la LUCHA (LUtte pour le CHAngement) avec le président Joseph Kabila à Goma. Une franche conversation et un appel à son humanisme. Le professeur Gene Sharp s’était posé la même question : « Les démocrates [opposants] ne pourraient-ils pas faire appel à l’humanisme des dictateurs, les convaincre de réduire peu à peu leur domination, et peut-être, à la longue, ouvrir la voie à l’établissement de la démocratie ? … Certains penseront que les dictateurs n’attendent que quelques encouragements ou incitations pour se retirer de bonne grâce de la situation difficile à laquelle le pays est confronté ». Peine perdue, mais comme nous le verrons dans le paragraphe ici-bas, le professeur ne rejette pas d’emblée les mérites de la négociation. mais alors, quand est-ce qu’une négociation avec une dictature est-elle importante ?

MERITES ET LIMITES DE LA NEGOCIATION

Ce grand professeur et stratège de la lutte non-violente pense et dit ceci : « la négociation est un outil très utile dans la résolution de certains types de problèmes et ne doit être ni négligée, ni rejetée lorsqu’elle est appropriée. Dans certaines situations qui ne portent pas sur des questions fondamentales et donc sur lesquelles un compromis est acceptable, la négociation peut être un moyen appréciable pour régler des conflits »

Il trouve que la négociation est par exemple utile dans « une grève ouvrière pour une augmentation de salaire », car dit-il, on peut trouver « un point d’accord situé entre les propositions des parties en présence ». Mais est-ce le cas entre ce que veulent le peuple Congolais et la Majorité Présidentielle ? Ecoutons une fois de plus la sagesse de ce grand stratège :

En fait, il dit tout de suite que « les conflits sociaux impliquant des syndicats reconnus sont bien différents de ceux dont l’enjeu est l’existence même d’une dictature cruelle ou le rétablissement de la liberté politique ». Il insiste que « lorsque les enjeux sont fondamentaux, qu’ils affectent des principes religieux, des libertés humaines ou le développement futur de toute la société, les négociations ne peuvent pas trouver une solution acceptable. Sur des questions fondamentales, il n’y a pas de compromis possible. Seul un changement radical des relations de force en faveur des démocrates [opposants] peut assurer la sauvegarde des enjeux fondamentaux. » Ceci veut dire que, si l’opposition avait déjà accumulé un plus grand rapport de force par comparativement à la MP, elle pourrait accepter la négociation. A ce stade précis, sans ville morte et sans une marche dans la rue, l’opposition n’a pas encore gagné un bras de fer contre le pouvoir.

De ce fait comme le professeur Sharp le dit, « un tel changement s’obtiendra par la lutte et non pas par des négociations. Cela ne signifie pas que la négociation ne doive jamais être utilisée, mais plutôt qu’elle n’est pas un moyen réaliste pour renverser une puissante dictature quand une forte opposition démocratique fait défaut ». Que toute l’opposition se ramasse, se lève et tombe comme un seul homme pour renverser le rapport de force. Le peuple Congolais a besoin de toutes ses filles et fils pour réussir la ville morte appelée pour le 23 Aout 2016.

LA CAPITULATION NEGOCIEE

D’après le professeur Gene Sharp, « les dictateurs peuvent mettre fin d’eux-mêmes à la violence en cessant de faire la guerre à leur propre peuple. Ils peuvent, de leur propre initiative, respecter sans marchander les droits et la dignité humaine, libérer les prisonniers politiques, faire cesser la torture, arrêter les opérations militaires, se retirer du gouvernement et présenter des excuses au peuple ». Au vu de déplacements de Joseph Kabila à Kampala et Kigali pour s’assurer de leur soutien, nous doutons qu’il est arrivé au point de « présenter ses excuses » et laisser la démocratie qu’il avait pourtant initiée, continuer son bonhomme de chemin.

En fait, le professeur Gene Sharp est catégorique en affirmant que « lorsque la dictature est forte, mais qu’il existe une résistance gênante, le dictateur souhaite parfois négocier pour soumettre l’opposition sous prétexte de « faire la paix ». L’appel à la négociation peut séduire, mais il est fort possible que celle-ci cache de graves dangers ». Par contre dit-il « lorsque l’opposition est en position de force et que la dictature est menacée, les dictateurs peuvent chercher à négocier afin de sauver le maximum de leur pouvoir et de leur richesse. En aucun cas les démocrates [opposants] ne doivent pas aider les dictateurs à atteindre leurs buts. Les démocrates [opposants] doivent se méfier des pièges qui peuvent leur être tendus par les dictateurs au cours du processus de négociation ».

Voilà pourquoi, le Sénateur Américain Edward Markey de l’Etat de Massachusetts, a récemment déclaré lors de l’expulsion de la chercheuse Idah Sawyer de Human Rights  qu’« il est temps pour que le président Kabila affirme publiquement qu’il va démissionner lorsque son mandat se termine à la fin de cette année ». Il sait qu’il y a un piège. L’envoyé spécial Thomas Perriello le sait également, mais les intérêts sont différents. L’Ambassadeur Perriello défend les intérêts du gouvernement Obama, pour que son mandant ne soit pas terni par le chaos qui proviendrait de la RDC. Quant au Sénateur Markey et le peuple Congolais, ils défendent le droit à la liberté et la démocratie. Au départ d’Obama, la mission de Perriello prendra fin.

Il nous semble donc précoce d’aller en négociation. Cela est visiblement un piège du président Joseph Kabila de dépasser la fin du mandat du président Obama et de changer la constitution après. Remarquez que même Gene Sharp est en accord avec cette position quand il dit que « l’ouverture de négociations alors que des questions fondamentales de libertés civiles sont en jeu peut n’être qu’une ruse du dictateur visant à obtenir la paix ou la soumission des opposants alors que la violence de la dictature se perpétue ».

Que le président Kabila proclame qu’il ne sera pas Candidat, qu’il laisse les élections se dérouler selon la constitution. L’opposition et le peuple congolais vont s’empresser de négocier son départ en termes des émoluments, guaranties sécuritaires et autres avantages dus à son nouveau rang d’ancien Président et Sénateur à vie. Comme Gene Sharp nous le dit, « la seule négociation envisageable est celle qui se tient à la fin d’une lutte décisive, lorsque le dictateur est aux abois et qu’il cherche un couloir de sécurité pour se rendre à un aéroport international. »

PUISSANCE ET JUSTICE DANS LA NEGOCIATION

Nous pensons sincèrement qu’il y a une incompréhension du mot négociation parmi les membres de l’opposition. D’après Gene Sharp « Négocier » ne signifie pas s’asseoir à une table et discuter sur un [même] pied d’égalité pour résoudre des différends. » Le rapport de force joue beaucoup dans toute négociation et il faut toujours négocier en position de force. L’opposition n’a pas encore démontré à la MP cette force. Mais au 20 Septembre 2016, Joseph Kabila sera dans l’illégalité si la CENI ne convoque pas les élections comme prévu par la constitution. Ce n’est pas la cour constitutionnelle qui va le sauver. Son pouvoir va s’effriter. Sans le pouvoir de mener la population dans la rue, rien n’empêche à Joseph Kabila d’agir unilatéralement de manière non conforme à l’accord. Ça ne sera pas la première fois.

Même quand on a joui d’une facilitation internationale, sachez d’après Gene Sharp qu’« une entente négociée n’est pas obtenue par l’évaluation des droits et des torts des uns et des autres quant aux questions en jeu ». Il sied de se poser les questions suivantes : Que peut faire Joseph Kabila pour neutraliser les chefs de l’opposition ? S’il neutralisait par exemple Etienne Tshisekedi comme il l’a fait de Moise Katumbi que feraient les négociateurs de l’opposition ?

Cela confirme la citation du même auteur quand il dit que, « qutoiqu’ils promettent, il ne faut pas oublier qu’ils sont capables de promettre n’importe quoi afin de soumettre leurs opposants démocrates, pour ensuite violer effrontémen tous leurs engagements ».

« Si les démocrates [opposants] acceptent d’arrêter leur résistance afin de gagner un sursis devant la répression, ils peuvent se retrouver fort déçus. Une halte à la résistance réduit rarement la répression. Lorsque les forces contraignantes de l’opposition intérieure et internationale ont été supprimées, les dictateurs sont capables d’exercer une oppression et une violence plus aigües que jamais ».

Ainsi donc, sans le pouvoir de mener la population dans la rue, qu’est-ce qui va empêcher Joseph Kabila d’agir unilatéralement de manière non conforme à l’accord négocié sous l’égide de la communauté internationale ? Ça ne sera pas la première fois.

D’ici 2017, si Joseph Kabila arrivait à « glisser », nous pouvons nous retrouver dans le cas que Krishnalal Shridharani avait écrit  que l’effondrement de la résistance populaire réduit souvent les contre-pouvoirs qui limitaient le contrôle et les brutalités de la dictature. Les tyrans peuvent alors s’en prendre à qui ils le souhaitent. « Car le tyran ne tire son pouvoir de nuisance que des faiblesses de notre résistance ».

ENTENDON BIEN, « C’est la résistance et non pas la négociation qui compte dans les conflits dont les enjeux sont fondamentaux. Dans presque tous les cas, la résistance doit continuer pour chasser les dictateurs du pouvoir. Le succès est le plus souvent déterminé non pas par un accord, mais par l’usage des moyens de résistance les plus appropriés et les plus puissants disponibles ».

QUEL GENRE DE PAIX ?

Dans son exposé à la fameuse Brookings Institution le Jeudi 18 Aout 2016, l’Ambassadeur Balumuene projetant à la fois la peur et la paix disait ceci : « nous ne voulons pas voir une deuxième Libye en RDC. Le Président Kabila souhaite que le dialogue ait lieu afin que nous puissions parvenir à une décision en toute quiétude. Vous ne voulez pas aller dans la rue pour forcer Kabila de quitter. Personne ne peut voir le chaos qui viendrait. Nous voulons résoudre ce problème pacifiquement lorsque les élections auront lieu et le président Kabila ne sera pas candidat ».

Mais nous savons que quand « les dictateurs et les démocrates [opposants] parlent ensemble de paix, il faut garder les idées claires, à cause des dangers que cela induit : tous ceux qui se servent du mot « paix » ne souhaitent pas nécessairement la liberté et la justice. La soumission passive à l’oppression cruelle de dictateurs à un despote ayant fait subir des atrocités à des centaines de milliers de personnes ne correspond pas à la paix véritable ». Y a-t-il vraiment la paix à l’Est de la RDC ? Pouvons-nous vraiment parler de la paix à Beni, Butembo et l’Ituri. Même le Pape a déploré et pleuré sur les atrocités de la soi-disant paix en RD Congo.

En fait, « Hitler évoquait souvent la paix et cela signifiait soumission à sa volonté. La paix d’un dictateur n’est souvent rien de plus que la paix de la prison ou de la tombe. Mais il y a d’autres dangers. Parfois, des négociateurs bien intentionnés confondent les objectifs de la négociation et le processus lui-même. Plus encore, des démocrates [opposants] ou des spécialistes étrangers participant aux négociations peuvent, d’un seul coup, fournir au dictateur la légitimité (intérieure ou internationale) qui lui était refusée du fait de sa position monopolistique dans l’État, de ses violations des Droits de l’Homme et de sa brutalité. Sans cette légitimité désespérément nécessaire, les dictateurs ne peuvent pas continuer à régner indéfiniment. Les acteurs de la paix ne doivent pas la leur fournir ». Faisons donc attention de ne pas accorder une minute de plus à Joseph Kabila au nom de la paix et des élections parfaites qu’il n’avait jamais organisées et dont il use comme prétexte pour rester au pouvoir pendant deux à trois ans.

RAISONS D’ESPERER

Aristote remarquait déjà que « … oligarchie et tyrannie ont une durée plus brève que n’importe quelle autre constitution […] la plupart des tyrannies n’ont jamais eu qu’une durée extrêmement brève. ». En voici la preuve dans le tableau ici-bas :

Au demeurant, nous pouvons affirmer que Joseph Kabila n’est pas plus puissant que les anciens présidents Hosni Mubarak de l’Egypte et El Abidine Ben Al de la Tunisie qui avaient été poussés dehors par le mouvement non-violent. De ce fait, nous devons accepter une fois de plus l’adage de Gene Sharp qui dit que « les négociations ne sont pas la seule alternative à la capitulation… qu’il existe une autre solution pour ceux qui veulent la paix et la liberté : La Defiance Politique ».

A bon entendeur Salut

 

LA REDACTION DE CONGOVOX

Add new comment

Filtered HTML

  • Web page addresses and email addresses turn into links automatically.
  • Allowed HTML tags: <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd>
  • Lines and paragraphs break automatically.