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Felix Tshisekedi

Lettre au Président de la RD Congo: Point de vue des honorables députés provinciaux du nord-kivu sur la gestion de l’état de siège

REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO PROVINCE DU NORD-KIVU ASSEMBLEE PROVINCIALE 2eme Législature de la 3eme République DEPUTES PROVINCIAUX

POINT DE VUE DES HONORABLES DÉPUTÉS PROVINCIAUX DU NORD-KIVU SUR LA GESTION DE L’ETAT DE SIÈGE adressé à son Excellence
Monsieur le Président de la République Démocratique du Congo (avec l'expression de nos hommages les plus déférents).
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À KINSHASA/GOMBE

CC:

  • Honorable Président de l'Assemblée nationale ;
  • Honorable Président du Sénat ;
  • Honorables sénateurs et députés nationaux du Nord-Kivu ;
  • Monsieur le Premier Ministre et Chef du Gouvernement ;
  • Monsieur le Vice-premier Ministre et ministre de l’Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires coutumières ;
  • Monsieur le Ministre d'État et ministre de la Justice et Garde des sceaux ;
  • Monsieur le ministre de la Défense Nationale et Anciens combattants ;
  • Monsieur le Premier Président de la Cour Constitutionnelle ;(TOUS) à KINSHASA
  • Honorable Président de l'Assemblée provinciale du Nord-Kivu ;
  • Monsieur le Gouverneur militaire de la Province du Nord-Kivu (TOUS) à GOMA

Excellence Monsieur le Président de la République,

A 85 jours de la proclamation de l’État de siège par votre autorité, nous avons jugé utile, nous députés provinciaux du Nord-Kivu, de vous partager, en termes d’évaluation à mi-parcours, l'ensemble des constats réalisés, des craintes et considérations avant de formuler quelques recommandations d'amélioration.

En effet, personne ne saurait nier la nécessité et te besoin qui ont justifié la prise d'une décision si courageuse et si salutaire de proclamation d'un État de siège dans les deux provinces de l'Ituni et du Nord-Kivu. deux provinces en proie à des menaces graves et à l'insécurité grandissante depuis plusieurs années

Il reste vrai que tes populations de la Province du Nord-Kivu ont tant souffert, elles sont, depuis plus de deux décennies, victimes des tueries, des atrocités, déplacements massifs, vols et viols, pillages et destruction des biens, des tracasseries multiformes ainsi que multiples violations et abus des droits^ humains.

 

L'État de siège est. certes, une réponse aux cris, plaintes et demandes persistantes des populations de deux provinces C'est pour nous un motif de vous présenter nos remerciements les plus sincères, et nous ne pouvons que vous appuyiez et soutenir cette initiative noble visant à donner la paix et la sécurité à nos électeurs. C’est dans ce cadre que nous invitons votre autorité à bien vouloir prendre connaissance de ce document au contenu riche en termes de contribution à l’amélioration des stratégies et d'approche de travail.

I. Constats, craintes et considérations

1 Depuis la proclamation de l'État de siège, nos yeux ont vu moins que ce qu'ils croyaient voir par rapport aux attentes suscitées par la proclamation de l'État de siège Alors que l'État de siège devait être entendu comme des mesures véritablement exceptionnelles fixées dans le temps et l’espace, on se rend malheureusement compte que :

  • L’État de siège a été proclamé sans avoir préalablement voté une loi sur les modalités de son application conformément à l'article 85 de la Constitution de la République II l'a été pour une durée constitutionnelle de trente (30) jours, mais sans chronogramme possible devant servir de boussole quant au déploiement des animateurs, conduite des opérations militaires, actions à mener et résultats à atteindre
  • La proclamation de l’État de siège a ôté plus médiatique qu’opérationnelle Cette campagne de plus d’un mois a constitué une alerte suffisante et une occasion pour la cible de l'État de siège à mieux comprendre ce qu’il était, ses forces et faiblesses pour ainsi brouiller toutes les traces et chances pour l'État de siège de réussir,.
  • L’État de siège est prorogé, pas sur (à base de l’évolution des opérations sur terrain ou avancées constatées au cours d'une évaluation, mais plutôt selon le bon vouloir de ceux qui décident Le risque devient ainsi évident d’imposer à la population des conditions de vie exceptionnellement restrictives durant une période longue et indéterminée. Lorsque les populations ne seront plus en mesure de supporter ces conditions restrictives, elles finiront par s’exposer à la rigueur de l'État de siège.
  • L'État de siège a été étendu aux zones où la menace contre I intégrité du territoire national n'est pas si gr*ave ou de nature à affecter profondément le fonctionnement régulier des institutions et qui pouvait nécessiter ce genre de mesures exceptionnelles. Ainsi, les efforts et moyens limités du gouvernement sont éparpillés sur des vastes étendues pour ne rien produire comme résultat.
  1. Jusqu'au 85eme jour de l'État de siège, les opérations militaires annoncées dans le cadre de l'État de siège ne sont jamais lancées contre les groupes armés étrangers et nationaux. Comme par le passé, on assiste encore aux déplacements massifs des populations, à des tueries atroces, assassinats et meurtres, kidnapping, phénomènes Kasuku et 40 voleurs, des pillages et vols des biens des paisibles citoyens ainsi que des tracasseries multiples et multiformes dont des perceptions illégales et des barrières payantes érigées tant par les groupes armés que par tes forces armées de la République dans tes territoires de Be. Lubero. Rutshuru, Nyiragongo, Masisi et Walikale. et dans tes villes de Beni, Butembo et Goma.
  2. Lorsqu'une mesure dite exceptionnelle dure longtemps, elle cesse d'être exceptionnelle, elle se normalise, on s'y habitue, elle dévie ses objectifs et suscite d'autres ambitions que d'aucuns peuvent imagine.
  3. La gestion prolongée du pouvoir politique par des hommes en uniforme présente le risque de pécher contre l'article 3 de la Loi organique n*11- 012 du 11 août 2011 portant organisation et fonctionnement des Forces Armées qui stipule : « les Forces Armées do la République Démocratique du Congo sont une Armée nationale, républicaine, APOLITIQUE et soumise à l’autorité civile ».
  4. Contrairement aux articles 1 et 2 de l'ordonnance n*21/016 du 03 mai 2021 portant mesures d’application de l’État de siège, tes membres des gouvernements provinciaux et des Assemblées provinciales ne jouissent nullement de leurs avantages sociaux. Les surprises sont désagréables.Le bien-être collectif des populations que les autorités de l'État de siège devraient assurer n'est pas au rendez-vous. Les autorités provinciales militaires utilisent, sans aucun contrôle, les recettes propres de la Province qui devaient servir au développement de la Province. Et pourtant, la défense nationale relève de la compétence exclusive du pouvoir central conformément au point 6 de l’article 202 de la Constitution congolaise.
  5. Au regard des propos discourtois, humiliants et dégradants (je vais vous tirer de vos carapaces, je vous reçois au même titre que les motards, je ne suis pas venu négocier avec vous, c'est d'ailleurs la première et la dernière fois de vous recevoir) tenus à l'égard des députés provinciaux par le Gouverneur militaire du Nord-Kivu, le lieutenant Général Constant NDIMA KONGBA. celui-ci semble être venu en Province avec des lourds préjugés et des présomptions selon lesquelles les notabilités et couches sociales du Nord-Kivu seraient impliquées dans la déstabilisation et l'insécurité pour ainsi dire que tes populations du Nord-Kivu s’entretuent pour leurs raisons, elles sont victimes de leurs propres actes et constituent leur propre bourreau, et tes députés provinciaux tuent leurs propres électeurs qu'ils massacrent. Et. dès lors, et le Gouverneur de Province, le Président du Sénat, le Premier Ministre et le Président de la République, aucune autorité n'a reçu en audience les députés provinciaux malgré les multiples demandes d'audiences. Mais, le Gouverneur de Province, le Premier Ministre et le Chef de l'État ont reçu les députés nationaux à Goma. Tout porte à croire qu’il y aurait un complot contre les députés provinciaux du Nord-Kivu. Ces préjugés empêchent gratuitement les autorités militaires de la Province de collaborer et créent une crise profonde dans les relations entre elles et la population représentée par ses élus députés provinciaux.

Et, à la suite des mauvaises relations entretenues entre les autorités provinciales militaires et les députés provinciaux, le Gouverneur restreint les mouvements des députés qu’il soumet à une autorisation préalable de sortie de sa part ; ce qui fruste et révolte les députés qui dépendent de leur bureau et non du Gouverneur. A moins que cela soit une mauvaise interprétation du point 5 de l’article 4 de l’ordonnance n°21/016 du 03 mai 2021 portant mesures d’application de l’État de siège qui stipule : « les autorités provinciales militaires...ont notamment le pouvoir de... Interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et heures qu’elles fixent ». Le dernier cas malheureux en date est celui de l'incident survenu à l'aéroport international de Goma. le dimanche, 20 juillet 2021 à la suite du voyage de l’Honorable Vice-président pour Kinshasa.

De même, le point 9 de l’article 4 de la même ordonnance, confus qu’il est, incite les autorités provinciales militaires à l’arbitraire lorsqu'il prévoit que ces autorités ont le pouvoir de prendre toute décision qu’elles jugent utile dans l’accomplissement de leur mission.

  1. Alors que l’Honorable Président de l’Assemblée nationale demandait, à tort ou à raison, aux députés nationaux de l’Est de quitter les groupes armés. l’État de siège vient, irrégulièrement, retirer les immunités des députés provinciaux.
  2. Les autorités de l'État de siège collaborent moins avec les notabilités locales, moins avec la société civile et moins encore avec les chefs traditionnels pouvant pourtant aider la bonne marche du processus. Les relations civilo-militaires sont ainsi faibles. Conséquemment. l’État de siège souffre d’un manque profond d’appropriation par les populations.
  3. Depuis l'entrée en vigueur de l'État de siège. l'Administration publique provinciale est paralysée.

S’appuyant sur l'article 2 de l'ordonnance n°21/016 du 03 mai 2021 portant mesures d'application de l'État de siège qui stipule : les autorités provinciales disposent de l'Administration publique de la Province...et de tous les services nationaux en Province. nombreux dossiers qui requièrent pourtant célérité pour le bien-être des populations sont restés en veilleuse. Les projets de développement en cours sont abandonnés et les routes de la Province se détériorent davantage au risque de laisser des trous béants après l'État de siège comme des entreprises minières qui creusent les minerais et abandonnent tous les puits.

Il est, en effet, inconcevable de confier le travail d’un gouvernement provincial jadis constitué de près de soixante (60) personnes à un cabinet constitué de 5 collaborateurs, la plupart nouveaux, qui doivent commencer à tout lire pour chercher à comprendre avant de poser un Quelconque acte. La conséquence d’une telle situation est que la population attendra longtemps pour trouver solution aux différents problèmes soumis à l’autorité provinciale.

Et si les autorités provinciales militaires disposent de l’Administration publique de la Province...et de tous les services nationaux en Province comment devraient-elles relever du Ministre ayant la défense nationale dans ses attributions ? pour quel suivi et quelle orientation techniques ?

Cette paralysie administrativement préjudiciable se fait également observer dans l'Administration de la Justice.

Par mauvaise interprétation de l'article 3 de l’ordonnance n°21/015 du 03 mai 2021 portant proclamation de l'État de siège sur une partie du Territoire de la République Démocratique du Congo qui stipule : « l'action des juridictions civiles sera substituée par celle des juridictions militaires », et de l’article 6 de l'ordonnance n°21/016 du 03 mai 2021 portant mesures d'application de l’État de siège qui stipule : « pour toute la durée de l'État de siège, la compétence pénale des juridictions civiles est dévolue aux juridictions militaires ». les juridictions civiles ont carrément fermé leurs portes. Ainsi, tous les justiciables ont été contraints, malgré eux, de se présenter devant les juridictions militaires pendant que des dispositions nécessaires n'ont pas été prises pour répondre au besoin croissant de Justice. Voilà pourquoi le risque s’accroit d’assister à la justice populaire et au rançonnement. Il n'est plus à démontrer qu'il y a aujourd’hui une surpopulation terrible dans les prisons, cachots et amigos sur retendue de la Province avec comme conséquence la promiscuité et le risque de contamination et de propagation des maladies dont le Coron a virus

  1. Ne pas accorder aux membres du gouvernement et de I Assemblée provinciale leurs avantages sociaux conformément à l’article 1*' de l’ordonnance n°21/016 du 03 mai 2021 portant mesures d’application de l’État de siège, c’est déroger au droit de la vie et violer l’article 4 de l’ordonnance n°21/015 du 03 mai 2021 portant proclamation de l’État de siège.
  2. Depuis le 4 juillet 2021, date de signature de l’ordonnance portancréation, organisation et fonctionnement du Programme deDésarmement. Démobilisation. Relèvement Communautaire et Stabilisation (P-DDRCS), jusqu'au 22 juillet 2021. les animateurs de ladite structure n’ont jamais été désignés et le cadre d’accueil n'a jamais été installé Nombreux jeunes combattants qui ont exprimé leur volonté d’adhérer au processus de paix ne savent auprès de quelle structure se présenter. Et. la prise en charge de ceux qui se sont déjà rendus pose problème.

12. Alors que l’exploitation des minerais est comptée parmi les causes profondes de l'instabilité et de l’insécurité dans la région, aucune mesure n’est prise par les animateurs de l’État de siège tendant à couper les liens avec l’exploitation illégale et le commerce illicite des minerais dans les deux provinces. La présence irrégulière des hommes en arme est toujours signalée dans et autour des zones minières.

En dépit des efforts louables consentis dans la lutte contre l’exploitation illégale du cacao, l’affairisme continue en toute quiétude. De plus, certains militaires qui serviraient au front se trouvent être déployés dans des fermes.

13 Contrairement au présent de l’article 1er de l’ordonnance no 21/016 du 03 mai 2021 portant mesures d’application de l’État de siège, à son alinéa 3. il est inconcevable et inadmissible que. dans un État de droit, les prérogatives des Assemblées provinciales soient transférées aux autorités militaires d’un État de siège. Les autorités militaires, qui ne sont pas l'émanation du peuple, ne sauraient représenter le peuple, légiférer ou assurer le contrôle de l’action de l’exécutif qu'elles gèrent elles-mêmes.

Il y a lieu également de retenir que la suspension momentanée des Assemblées provinciales tel que le veut l’article 1e de l’ordonnance portant mesures d'application ou des immunités et tout privilège des poursuites tel que prévu à l'article 4 de l'ordonnance portant proclamation de l'État de siège n’a aucune incidence sur le mandat du député.

 

Le mandat du député provincial est de cinq (5) ans. II continue à courir jusquà l'expiration du délai constitutionnel Aucune raison ne justifierait donc que de l'opprobre et 1e discrédit lui soient jetés é la longueur des journées et ses avantages légaux lui soient privés par les autorités militaires de l'État de siège Les électeurs du Nord-Kivu continuent à placer leur confiance en leurs députés provinciaux.

Pour espérer réussir avec le peuple et atteindre les résultats pour lesquels l'État de siège a été proclamé, nous recommandons ce qui suit :

II. Recommandations

  1. Circonscrire l'État de siège dans la région de Béni ou proclamer l'État d'urgence sécuritaire dans la même région où la souveraineté de l’État est totalement menacée et les institutions ont de la peine à fonctionner normalement, et ce. conformément au programme d’actions 2021-2023 du Gouvernement de la République, pour une durée bien déterminée, des objectifs essentiellement de paix et de sécurité et avec des indicateurs bien définis.
  2. Doter les Forces Armées de la République d'une logistique conséquente et des moyens importants à la hauteur des actions à mener dans le cadre des opérations militaires.
  3. Rendre opérationnel et sans plus tarder, le Programme de Désarmement. Démobilisation. Relèvement Communautaire et Stabilisation (P-DDRCS) dans les entités non couvertes par les opérations militaires de l'État de siège.
  4. Identifier et punir sévèrement les officiers militaires qui s'adonnent è la mafia, sont impliqués dans les magouilles, collaborent avec les groupes armés, détournent les fonds des opérations de l'État de siège et violent les droits humains.
  5. Autoriser la reprise normale des activités de l'Assemblée provinciale pour orienter les désidératas de la population.
  6. Élaguer de deux ordonnances tout ce qui pousserait les animateurs de l'État de siège à l’arbitraire et toute disposition de nature à freiner le bon fonctionnement de l’Administration publique et le développement de la Province.
  1. Renforcer le nombre de magistrats à l’auditorat militaire, améliorer leurs conditions de travail.
  2. Procéder au désengorgement des milieux carcéraux et à l'amélioration des conditions carcérales.
  3. Intégrer dans les deux ordonnances des dispositions qui renforcent la collaboration civilo-militaire pour susciter une appropriation communautaire du processus de paix.
  4. Procéder à une évaluation de l'État de siège proclamé en mai 2021 avant une quelconque décision.

Veuillez agréer. Excellence Monsieur le Président de la République et Chef de l'État, l'expression de nos sentiments patriotiques.

 

 Fait à Goma, le 22 juillet 2021

Députés provinciaux du Nord-Kivu signataires.

 

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