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Madame Collette Braeckman

LU POUR VOUS - Congo: l’année de tous les dangers, par collette Braeckman

« Le meilleur discours, c’est le silence » déclarait un jour le président Kabila. Même en adressant ses vœux de Nouvel An à la nation congolaise, il n’a pas failli à ses habitudes : il a annoncé que les membres du mouvement religieux Bundu dia Kongo, réclamant une plus grande autonomie pour la province, bénéficieraient de mesures d’amnistie et il a réaffirmé son intention d’ouvrir en 2016 un dialogue national avec les partis d’opposition. Mais il n’a pas répondu à la question que tous les Congolais se posent et qui inquiète les diplomates étrangers : alors que son deuxième mandat expire à la fin de cette année, le chef de l’Etat entend-il se représenter en modifiant la Constitution, ou pratiquer, avec le consensus de la classe politique, un « glissement » qui lui permettrait de postposer l’échéance électorale sans pour autant modifier la loi fondamentale ?


Le président s’est contenté d’affirmer qu’ « à travers le dialogue politique, nous tenterons d’atteindre un consensus sur plusieurs questions afin de jeter les bases permettant les futures élections… »
Ces propos n’ont pas rassuré la classe politique et un porte parole du parti d’Etienne Tshisekedi, le plus concerné par la perspective d’un dialogue avec le pouvoir, a réagi en dénonçant un « agenda caché ». Pour sa part le groupe dit du G7, le plus opposé à la perspective d’un « glissement » récuse l’idée d’un « dialogue » avec le pouvoir, dans lequel beaucoup voient plus un marchandage portant sur la répartition des postes et des prébendes qu’une véritable réflexion sur le devenir des institutions.

Alors que se rapproche l’échéance de la fin du mandat présidentiel en novembre 2016 et que persiste le blocage autour du processus électoral, aussi bien sur le plan financier que politique (les moyens nécessaires ne sont pas réunis et la communauté internationale refuse tout engagement avant de disposer du calendrier global) l’Eglise catholique a, de sa propre initiative et sans mandat politique, entamé une série de consultations. Les membres de la CENCO (Conférence épiscopale des évêques du Congo) ont rencontré cette semaine Aubin Minaku le président de l’Assemblée nationale et secrétaire général de la « coalition pro-Kabila » ainsi que des représentants de l’opposition. L’Eglise assure que, sans prendre position sur le plan politique, elle entend œuvrer pour l’intérêt commun.

Nul n’a cependant oublié qu’au début des années 90, face à un président Mobutu affaibli, l’Eglise catholique joua un rôle majeur dans la contestation du pouvoir et que c’est Mgr Monsengwo, aujourd’hui cardinal de Kinshasa, qui présida la conférence nationale souveraine à l’issue de laquelle M. Tshisekedi fut élu au poste de Premier Ministre. Même si elle ne représente plus que 40% de la population, la capacité de mobilisation de l’Eglise catholique n’est pas négligeable : le 16 février prochain, lors de l’anniversaire de la « marche des chrétiens » de 1992, elle pourrait mobiliser tous les adversaires du glissement ou d’un changement de Constitution . Et cela d’autant plus que tous les ténors qui dirigeaient l’opposition à Mobutu en 1992 sont encore actifs aujourd’hui, à commencer par Pierre Lumbi, qui était alors un dirigeant de la société civile et qui dirige aujourd’hui le Mouvement social pour le renouveau, deuxième groupe à l’Assemblée nationale, qui a quitté la majorité présidentielle en s’opposant à l’idée d’un troisième mandat.

A ce stade, tout se passe comme si certains des conseillers du président, redoutant l’implosion d’un pays encore fragile, à peine pacifié, étaient tentés par le pari du glissement ou de la prolongation, en misant sur plusieurs atouts : un dialogue qui porterait surtout sur la cooptation des élites et le « partage du gâteau» et les performances économiques que vient encore de rappeler le premier Ministre Matata Mponyo. Ce dernier a annoncé pour 2015 une croissance de 7, 7% qui pourrait atteindre 9% l’an prochain, et cela malgré la chute des cours du cuivre qui a perdu 26% de sa valeur en 2015.

Pour assurer sa position, ce groupe compte aussi sur les forces de sécurité, qui avaient déjà brutalement réprimé l’opposition en janvier 2015 à Kinshasa et dans plusieurs autres villes, faisant plus de trente morts. Depuis lors, les organisations de défense des droits de l’homme dénoncent un net durcissement et soulignent que les activistes non violents des mouvements Lucha et Filimbi sont toujours en prison et même qualifiés de « terroristes ». Un rapport de l’ONU relève qu’en 2015, 649 personnes ont été mises en prison, protestataires, activistes, opposants politiques…

Dans le Congo d’aujourd’hui, l’économie est sous contrôle même si les inégalités peuvent se révéler explosives, la classe politique pourrait être canalisée par le biais du dialogue ; les interlocuteurs occidentaux sont privés d’arguments en raison de leur tolérance à l’égard du Rwanda, de l’Ouganda et de tant d’autres cas de « prolongations » ; qu’il s’agisse des infrastructures, du désarmement des groupes armés, de la remise en route de l’Etat, le régime peut se targuer de réels succès.

Mais une inconnue majeure subsiste : les jeunes de vingt ans n’ont pas connu la dictature de Mobutu, les guerres des années 90 sont déjà lointaines, le chômage touche 70 % d’entre eux et grâce aux réseaux sociaux, ils sont bien plus politisés que ne l’étaient leurs parents. Aspirant au changement plus qu’à la stabilité, combien d’entre eux sont ils prêts à descendre dans la rue, à l’instar de leurs voisins du Burundi ? Poser la question, c’est déjà formuler la pire des hypothèses…

SOURCE: http://blog.lesoir.be/colette-braeckman/2016/01/06/congo-lannee-de-tous…

 

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