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Les forces de police lancent des fusées éclairantes lors d’une manifestation au Congo le 19 septembre (Mustafa Mulopwe /AFP/Getty Images)

NOUS AVONS DEMANDE LES CONGOLAIS SI LE PRESIDENT KABILA DOIT DEMISSIONER OU BRIGUER UN TROISIEME MANDAT ? par Jason Stearns, Herbert Weiss et Francesca Bomboko

Au Congo, le président Joseph Kabila a instigué des retards artificiels dans le processus électoral pour prolonger son séjour au pouvoir, et l’opposition avait réclamé des manifestations massives le 19 décembre, date à laquelle son mandat devait prendre fin.

Au milieu de cette agitation, que pensent les Congolais ? Sur une période de quatre mois de cette année, nous avions effectué le premier sondage d’opinion politique nationalement représentatif au Congo depuis plus d’une décennie. Et nous avions trouvé un électorat sophistiqué, un soutien écrasant à la démocratie et une profonde méfiance envers le gouvernement.

Fissures dans la nouvelle démocratie


Malgré les efforts déployés pour rétablir la paix, le Congo a connu des conflits armés depuis 1996. Des millions de civils sont morts à la suite de la violence et des crises humanitaires qui ont suivi. Les conflits persistent dans l’est du pays, où plus de 70 groupes armés sont actifs et 1,7 million de personnes sont déplacées.

Un accord de paix de 2002 a permis d’unifier le pays et de produire de nouvelles institutions démocratiques — une constitution, des parlements nationaux et provinciaux, un pouvoir judiciaire indépendant et un président avec une limite de deux mandats de cinq ans.
 

Kabila est au pouvoir depuis 2001 et a été élu en 2006 et de nouveau en 2011 par vote populaire. La constitution exige que Kabila démissionne le 19 décembre 2016, bien que la cour constitutionnelle ait rendu une décision controversée lui permettant de rester au pouvoir jusqu’à ce que les élections se tiennent.

Dans le cadre d’un nouvel accord avec une frange de l’opposition, les élections sont prévues pour avril 2018. Une forte alliance de la société civile, des partis d’opposition et des donateurs occidentaux fait pression sur Kabila pour qu’il démissionne à la fin de l’année — et de ne pas changer la constitution afin de briguer un troisième mandat. L’Organisation des Nations Unies et d’autres observateurs craignent que cet affrontement ne se traduise par une déstabilisation du pays et la dégradation de ses jeunes institutions.


Que nous dit ce sondage sur le Congo ?


Dans ce contexte, nous voulions voir ce que les citoyens ressentent de l’impasse [politique] actuelle. La réalisation d’un sondage d’opinion en face à face auprès de 7 525 personnes constituait un défi considérable. Notre équipe a sillonné le pays pendant quatre mois, à pied ainsi que par le biais de bicyclettes, motos, avions, véhicules à quatre roues motrices et pirogues.


[Voici ce que le Congo peut enseigner au monde sur la paix]


Les résultats du sondage révèlent un électorat congolais profondément engagé, mais soulignent également la possibilité d’une agitation persistante dans les mois à venir. Les principales conclusions sont les suivantes :


1. Kabila s’est coincé lui-même dans un coin. Quatre-vingt-un pour cent des personnes interrogées refusent de modifier la constitution pour lui permettre de se présenter pour un troisième mandat. Les répondants étaient aussi fatigués de la tactique dilatoire, avec 74 pour cent indiquant que Kabila devrait démissionner à la fin de 2016, peu importe si les élections ont eu lieu ou non. Au Congo, où le pouvoir politique est le noyau de la richesse, du statut et de l’influence, il est presque inconcevable que Kabila choisisse cette option.

Partout au Congo, il y avait peu de soutien pour changer la constitution et ouvrir une voie au président Joseph Kabila pour rester au pouvoir


2. Kabila aura du mal à choisir un successeur. Notre enquête, menée lors des élections prévues pour novembre [2016], a révélé que moins de 8 % voteraient pour Kabila. Moins de 3 pour cent des répondants soutiendraient son épouse, Olive Lembe, et les alliés de Kabila ont également obtenu de mauvais résultats dans notre sondage. Moise Katumbi, l’ancien gouverneur charismatique de la province du Katanga et propriétaire de l’équipe de football, TP Mazembe — qui vient de remporter le championnat d’Afrique — était au sommet d’un champ fragmenté avec un tiers du scrutin, suivi du vétéran Etienne Tshisekedi avec 18 pour cent.


3. Il ya mécontentement avec le statu quo. Au lieu de la loyauté ethnique, un élan anti-titulaire de poste qui apparaît dans les chiffres des sondages, tout comme lors des élections précédentes. Kabila n’obtiendrait qu’environ 8 % des voix dans sa partie ethnique du nord du Katanga, alors que 37 % le soutiennent dans le nord du pays, une région où il n’a aucun lien personnel ou ethnique.

Cela suggère que, pour l’instant, les citoyens sont plus intéressés par la responsabilité que la politique tribale et le favoritisme politique qui a maintenu les dirigeants au pouvoir dans certains pays africains. Une explication possible est le mécontentement à l’égard de l’économie et de la sécurité — seulement 15 pour cent des répondants disent qu’ils sont mieux lotis qu’il ya cinq ans et 17 pour cent disent qu’ils sont en sécurité — est tellement répandue que les documents et les appels à l’ethnicité ne dominent pas l’opinion politique.


4. Le Congo risque de traverser de nouvelles turbulences. Nous avons demandé aux répondants s’ils avaient participé à une marche de protestation, à une grève ou à une manifestation au cours des cinq dernières années — environ 8 pour cent ont répondit qu’ils avaient participes. Bien que ce chiffre semble modeste, cela suggère que plusieurs millions de personnes ont participé à une certaine forme de protestation. Mais si Kabila ne démissionne pas ou si les élections ne se déroulent pas, près de la moitié des répondants au sondage ont déclaré qu’ils se joindraient aux protestations.


Il ya quelques bonnes nouvelles ici


En général, ce sondage d’opinion personnifie un électorat congolais sophistiqué dans lequel la classe, l’éducation, la religion et le sexe ont peu d’impact sur la façon dont les personnes interrogées voient la constitution, les élections ou la plupart des autres questions d’importance nationale, y compris qui va gouverner après. Un pauvre agriculteur sans instruction dans la brousse éloignée ressent largement la même chose face aux grands défis auxquels le pays est confronté de la même façon qu’un citadin fortuné.

Notre sondage confirme également les tendances documentées par d’autres sondages en Afrique, suggérant que si les citoyens ne sont pas satisfaits de la façon dont la démocratie fonctionne dans la pratique, il ya une demande croissante pour la démocratie. Les personnes interrogées dans notre sondage ont déclaré que les élections étaient au moins aussi importantes que les questions de sécurité ou de développement — un résultat étonnant compte tenu des niveaux élevés de pauvreté et de violence dans certaines parties du pays.

Ces résultats donnent de l’espoir à long terme. Contrairement aux stéréotypes, ce n’est pas une population enchaînée par les préjugés ethniques et sous l’égide des hommes forts locaux. Nous trouvons plutôt un public bien informé et profondément attaché à leur constitution et à la jeune démocratie congolaise.


Jason Stearns est le directeur du Congo Research Group au Centre on International Cooperation de l’Université de New York et auteur de « Dancing in the Glory of Monsters: The Collapse of the Congo and the Great War of Africa. »
Herbert Weiss est professeur émérite à la City University de New York.
Francesca Bomboko est directrice du Bureau d’Études pour les Recherches et le Conseil International (BERCI) à Kinshasa.

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