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A Kinshasa, le 20 décembre 2016 manifestations contre le président sortant Joseph Kabila en présence des casques bleus. Thomas Mukoya / Reuters

PARIS MATCH - RDC : pourquoi Joseph Kabila ne peut pas tenir, par François de Labarre

Les violences ont repris en République Démocratique du Congo, où depuis hier a pris fin le deuxième et dernier mandat de Joseph Kabila

La République démocratique du Congo est à nouveau en proie à des violences. Au lendemain de la fin du dernier mandat de Joseph Kabila, des barricades ont été montées dans certains quartiers de Kinshasa, où le bureau du parti de la majorité le PPRD a été incendié. Dans le Sud du pays à Lubumbashi, fief du président sortant et de son principal rival Moïse Katumbi, des scènes chaotiques ont été décrites: incendies, pillages et tirs à balles réelles. D'après nos informations, il y aurait eu plus d'une dizaine de morts dans la ville dont certains tués par balles à Matshipisha, à la Katuba et à la station Deborah, parmi les victimes 4 policiers et deux miliaires auraient été tués par la popluation.

Malgré les efforts du clan présidentiel pour se maintenir au pouvoir, le slogan "byebye Kabila" devrait s'imposer. Tout d’abord parce que le long bras de fer dans lequel est engagé Joseph Kabila se dirige d'abord contre le peuple congolais qui a maintes fois manifesté sa révolte. Le président a quasiment disparu de la scène médiatique, il vivrait déjà de manière "bunkérisée" et ne s'adresse plus à la presse occidentale. Il a aussi face à lui l’essentiel de la communauté internationale.

Le clan Kabila détiendrait 120 permis d'exploitation miniers

Après les violences du 19 et 20 septembre dernier en RDC, l’Union européenne a adopté des sanctions contre 7 personnes "occupant des responsabilités dans la chaine de commandement des forces de sécurité congolaises ayant fait un usage disproportionné de la force". La Chambre des représentants aux Etats-Unis a voté une résolution allant dans le même sens. Voyant en Donald Trump un potentiel allié, Joseph Kabila s’est empressé de le féliciter le jour-même de son élection. Mais les deux représentants du Congrès les plus durs à l’égard de sa politique sont proches de Trump. Et ils n’ont cessé de renouveler les mises en garde à l’intention de la Maison blanche.

L’usage des sanctions économiques n’aurait pas les effets escomptés sur le clan présidentiel qui dispose d'assez de richesses, mais il pèse psychologiquement. Comme le révèle une enquête publiée par l'agence Bloomberg, le "clan Kabila" possède des intérêts dans au moins 70 entreprises dans tous les secteurs ce pays riche en ressources naturelles. "Sa femme, ses deux enfants et huit de ses proches détiennent plus de 120 permis pour exploiter des mines d'or, de diamants, de cobalt, cuivre et autres minerais."  

Le 19 décembre 2016 devant l'ambassade de République démocratique du Congo, une manifestante enveloppée dans un drapeau de la RDC proteste contre le maintien au pouvoir de Joseph Kabila © Alexandros Michailidis / SOOC / AFP

L'affaire Panama Papers avait révélé en outre que la soeur du président Jaynet Kabila détenait des parts dans la principale société de téléphonie, elle serait selon Bloomberg, à la tête des sociétés Acacia et Kwango Mines qui détiennent 96 permis d'exploitation minière. Une autre soeur de Kabila appelée Gloria Mteyu, styliste de profession, détiendrait 40% de la BGFI, la "banque familiale" basée au Gabon. L'agence Bloomberg n'a pu obtenir de commentaire de Kabila, qui ne s'adresse plus aux Media occidentaux, ni de Theodore Mugalu qui gère les affaires personnelles de la famille régnante, ni de Jaynet Kabila, dont la gourmandise a conduit les dirigeants de la société canadienne Delrand Resources à renoncer à l'exploitation de sites le long du fleuve Kwango.

Le message de soutien des collectifs citoyens du Senegal et de Gambie aux Congolais

Le renoncement en février 2016 de réformer le code minier avait déjà illustré la volonté du clan Kabila de continuer à gérer en toute opacité les principales ressources du pays. L'Ong Global Witness qui lutte contre le pillage des ressources avait dénoncé cinq marchés conclus dans des paradis fiscaux avec des proches de Kabila. Bilan de l'opération: 1,36 milliards de dollars. Pas étonnant que lorsque l’institut Ipsos Africap réalise une étude sur le comportement des jeunes consommateurs africain, la RDC est le seul où la corruption arrive en tête des était préoccupations de la jeunesse. Une jeunesse soutenue aujourd'hui par les collectifs "Y en a marre" au Senegal et "Gom Sa Boppa" en Gambie qui ont publié une vidéo sur les réseaux sociaux (ci-dessous). 

Ainsi, le président sortant ne peut quitter le pouvoir sans faire exploser un système corrompu mis en place autour de sa personne. Pointer des "ingérences étrangères" ne suffit pas à détourner l’attention et brouiller les ondes de Rfi ne suffit pas à faire taire les réseaux sociaux qui bouillonnent. Très écoutée en RDC, l’Eglise catholique a mené une ultime tentative de médiation entre le gouvernement et l’opposition avant la date fatidique du 19 décembre. Elle a pris fin le 17 décembre se soldant par un échec. L’opposant historique Etienne Tshisekedi, qui ne reconnaît déjà plus Joseph Kabila comme Président de la République, a de son coté lancé un appel à la "résistance pacifique". 

Alors que son mandat a pris fin hier, le président sortant se trouve ainsi à court d’arguments pour justifier son entêtement à rester au pouvoir. Quel bilan pourrait-il défendre ? Quels intérêts sinon ceux d’un groupe de personnes clairement identifié ? Dans ce pays de 70 millions d’habitants, l’usage prolongé de la force pourrait en outre provoquer des réactions beaucoup plus vives qu’au Congo-Brazzaville voisin, où le président sortant a pu bénéficier de la réaction molle de la communauté internationale. Précision importante : la République démocratique du Congo héberge la plus grosse mission de maintien de la paix au monde. Kabila espérait diminuer les effectifs et réduire son influence, mais le Conseil de sécurité en a décidé autrement. Rédigée sous l'impulsion de la représentation diplomatique française à New-York, la prorogation du mandat de l'Onu au Congo a été votée à l'unanimité le 30 mars 2016. Elle prévoit non seulement le renouvellement de cette Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco) avec un effectif constant, mais insiste sur la tenue des élections dans des délais légaux. Elle se dote d'une compétence politique qu'elle n'avait pas avant, lui permettant le cas échéant de faire intervenir les casques bleus. 

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