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Joseph Kabila, Thabo Mbeki

RDC : l’Afrique du Sud tourne le dos à Kabila, par Hubert Leclercq

Le communiqué conjoint de l’ANC et des leaders de l’opposition congolaise est passé un peu sous le radar. Un texte de plus ? Pas vraiment ! L’ANC a pris un engagement fort qui embête solidement le pouvoir congolais.

Pourquoi cette prise de position embête-t-elle tant le pouvoir de Kinshasa ?

1. Le communiqué conjoint signé par l’ANC avec les leaders de l’opposition congolaise est une grande première. Depuis que l’ANC s’est installée au pouvoir, elle dialogue avec les pouvoirs en place sur le continent. Pas avec l’opposition. Cette rencontre et ce communiqué commun avec les leaders de l’opposition congolaise est une grande première qui montre explicitement que le parti sud-africain est particulièrement sensible aux thèses de cette opposition congolaise.

2. L’ANC est toujours considérée sur le continent africain et plus particulièrement en Afrique australe comme le leader des mouvements de libération dont les positions sont suivies très attentivement par les mouvements frères comme le Zanu-PF (Zimbabwe) , le MPLA (Angola) ou la Swapo (Namibie),…

3. Le texte est un communiqué conjoint d’engagement dans lequel il faut voir deux éléments centraux : il s’engage pour un processus électoral congolais crédible et envoit un message en interne aux membres du gouvernement sud-africain qui pourraient être tentés d’envisager certains accomodements avec le pouvoir congolais. Le gouvernement Rémaphosa veut couper les ponts avec les petits arrangements de son prédécesseur avec la Kabilie.

4. Ce texte est aussi la réponse du président Ramaphosa à deux événements récents qui ont tendu encore un peu plus les relations entre les deux capitales. Ramaphosa n’a pas apprécié que sa rencontre informelle avec le candidat Ramazani Shadary soit utilisée par le pouvoir en place comme un gage de soutien au dauphin. Dans la foulée, Kinshasa a refusé d’accueillir l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki comme observateur. La démarche avait été initiée par le président Ramaphosa et Thabo Mbeki s’était montré réticent avant de finalement accepter… et de se faire remballer par Kinshasa. Une attitude qui a encore irrité un peu plus le chef de l’Etat sud-africain et a dû blesser Thabo Mbeki qui a porté à bout de bras les négociations intercongolaises de Sun City et qui s’est engagé sans compter pour la rédaction de la Constitution congolaise. Thabo Mbeki était d’ailleurs au côté de Kabila lors de la promulgation de cette Constitution en 2006. L’Afrique du Sud et l’ANC ont d’ailleurs été des acteurs centraux lors de chaque moment délicat des vingt dernières années de la vie congolaise. Personne n’a oublié que c’est Nelson Mandela qui a organisé le dialogue entre Mobutu et  Kabila père  sur le bateau militaire sud-africain Utenika. Thabo Mbeki a parrainé les négociations de cessez-le-feu de Lusaka en 1999 entre les belligérants pour mettre fin à la guerre. Le même Mbeki a accueilli et financé le Dialogue intercongolais à Sun City en 2002-2003 et l’Afrique du Sud a parrainé la Constitution congolaise. L’Afrique du Sud a dépêché des forces dans les troupes de l’ONU déployées à l’Est. Dernièrement, le président Cyril Ramaphosa a arraché à Kabila son discours de départ lors du dernier sommet Sadc à Windhoek, première étape d’une « longue marche » entamée par le chef de l’Etat sud-africain.

5. L’Afrique du Sud sera membre du conseil de sécurité des Nations Unies à partir du 1er janvier prochain, comme la Belgique. De quoi alimenter les discussions lors du voyage du ministre Reynders à Johannesbourg la semaine dernière.

Le communiqué conjoint d’engagement doit donc être regardé comme un divorce entre le pouvoir congolais et l’Afrique du Sud et comme une porte d’entrée pour l’opposition congolaise sur le devant de la scène politique en Afrique australe.  En effet, jusqu’ici, les chefs d’Etat de la SADC ont toujours refusé d’entendre la position des oppositions africaines.

En dépit des démarches de Katumbi ou Tshisekedi, des demandes d’audience et des échannges de courrier, les sommets de la SADC ont toujours été des rendez-vous institutionnels du pouvoir. L’ANC, en prenant l’engagement de travailler à des élections crédibles, transparentes et inclusives en RDC, risque de faire changer cet ordre apparemment bien établi. On peut faire le pari que désormais la SADC sera plus ouverte à écouter toutes les parties. De là à envisager des actions de prévention de conflits, le pas pourrait être rapidement franchi.  Certains voisins, comme l’Angola, ne cachent plus vraiment qu’il est prêt à intervenir si le besoin (l’occasion) se faisait ressentir.

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