Bloomberg : Ne soyez pas pressé de faire des affaires chez le premier producteur mondial de cobalt, par Pauline Bax et William Clowes

• Cinq mois plus tard, le président Tshisekedi n’a pas nommé de cabinet.
• Le conseiller du président cite un grand nombre de demandes d'investisseurs.

Lorsqu'un investisseur étranger ayant des projets de plusieurs millions de dollars à travers l'Afrique a été informé que le président de la République démocratique du Congo souhaitait le voir, il a réservé une suite dans l'un des meilleurs hôtels du pays. Après six jours d'attente, il est parti.

Depuis que Felix Tshisekedi est à la tête du plus grand producteur mondial de cobalt il y a près de cinq mois, des avions privés envahissent le principal aéroport de Kinshasa, la capitale, et les lobbys d'hôtels regorgent d'hommes d'affaires et de Congolais revenus de pays tels que les États-Unis et l'Afrique du Sud avec l'espoir de travailler avec son administration. Mais ça a été lent. Tshisekedi n’a nommé un Premier ministre que le mois dernier et n’a pas encore nommé de cabinet.

Personne ne sait ce qui se passe

"Personne ne sait ce qui se passe — il est très difficile pour les hommes d’affaires de comprendre ce qui se passe parce qu’il n’ya pas de gouvernement", a déclaré Claude Kabemba, directeur de Southern Africa Resource Watch. "Ceux qui dirigent le processus ne sont pas très préoccupés par les activités quotidiennes du gouvernement et peu préoccupés par l'investissement."

Tshisekedi, 55 ans est confronté à de grands defis.

Le plus grand et l'un des pays les moins avancés d'Afrique subsaharienne, la RD Congo est entièrement tributaire de l'exploitation minière pour ses exportations. C’est également l’un des endroits les plus difficiles à faire des affaires. la Banque mondiale classe la RD Congo au 184e rang dans le dernier rapport Doing Business, sur 190, juste au-dessus du Soudan du Sud, mais au-dessous de la République centrafricaine déchirée par la guerre.

Nouveau départ

Tshisekedi négocie avec de nombreuses personnes et cela prend du temps, a déclaré Gilbert Mundela, conseiller principal du président qui vit dans un hôtel à Kinshasa depuis son retour récent aux États-Unis. C'est le premier goût du pouvoir pour le parti politique de Tshisekedi après près de quarante ans en opposition.

"Nous envisageons un nouveau départ pour le Congo", a déclaré Mundela. «Mon président est inondé de demandes de réunions d'investisseurs. Vous devez les examiner pour savoir qui est bon et qui ne l’est pas. "

Sous le prédécesseur de Tshisekedi, Joseph Kabila, qui s’est accroché à la présidence pendant 18 ans après l’avoir hérité de son père, des donateurs étrangers et des entreprises se sont régulièrement plaints d’une corruption endemique et de mauvaise gouvernance. Une enquête de Bloomberg a révélé que M. Kabila avait construit avec son frère et sa sœur un empire commercial qui valait des centaines de millions de dollars.

Les institutions publiques sont dysfonctionnelles

Selon la Banque mondiale, environ 90% de toutes les activités commerciales au Congo se déroulent «sous le radar», les institutions publiques sont dysfonctionnelles et certains employés de l’État n’ont pas été payés depuis des années.

Les dirigeants du secteur minier tels que Ivan Glasenberg, de Glencore Plc, et Mark Bristow, de Barrick Gold Corp., ont vu dans l’arrivée de Tshisekedi une occasion de faire pression contre la législation adoptée par Kabila l’année dernière, qui augmentait considérablement les redevances et la fiscalité. Le président a indiqué jusqu’à présent qu’il resterait fidèle aux réformes de son prédécesseur.

[Gilbert Mundela, cousin du president]

Mundela, le conseiller du président, a déclaré que les mineurs ne devraient pas être decouragés. « Au Congo, nous avons tout ce dont le monde a besoin », a-t-il déclaré. « Le Congo ne va pas manger son or, son cuivre, son cobalt. Le Congo veut que cela soit transformé afin que nous puissions avoir accès à ce dont nous avons besoin pour notre peuple.»

Scepticisme généralisé des Congolais

En tant que dirigeant, Tshisekedi devra vaincre le scepticisme généralisé des Congolais. Sa victoire sur le candidat de l'opposition rivale, Martin Fayulu, était au centre d'une controverse. Les autorités ont fermé l’Internet immédiatement après les elections du 30 décembre et n’ont levé le blocage que 20 jours plus tard — une fois que la cour suprême du Congo avait validé les résultats de la commission électorale, qui avait donné 39% des suffrages à Tshisekedi, contre 35% pour Fayulu.

Ce résultat a été contesté par une organisation catholique nationale influente, qui a eu recours à des dizaines de milliers d'observateurs et à une fuite de données de bulletins de vote révélant que trois fois plus de personnes avaient voté pour Fayulu que pour Tshisekedi.

Lisez QuickTake pour savoir pourquoi les résultats des élections au Congo ont été contestés

La capacité [politique] de Tshisekedi

La capacité de Tshisekedi à adopter des lois sera restreinte dans le parlement de 500 membres et le Sénat, où la coalition du Front commun pour le Congo de Kabila, ou FCC, a remporté une majorité écrasante. Le groupe a encore resserré son emprise sur le parlement après que la Cour constitutionnelle ait invalidé l'élection de 23 députés de l'opposition la semaine dernière. Au niveau provincial, les 26 gouverneurs sauf un sont des alliés de Kabila.

Tshisekedi a rejeté les accusations selon lesquelles il aurait conclu un accord avec Kabila, mais il a accepté de gouverner le Congo en coalition avec la FCC, permettant ainsi à Kabila de continuer à jouer un rôle déterminant dans la gestion du pays.

Felix est une marionnette

"Felix est une marionnette", a déclaré Fayulu, 62 ans, lors d'une interview. «Kabila a passé 18 ans au pouvoir et n’a rien fait pour le peuple. Pensez-vous vraiment que Kabila laisserait Felix Tshisekedi réussir?

Alors que leurs alliances restent bloquées dans des discussions sur la composition du prochain gouvernement, le Congo attend.

"Les investisseurs peuvent avoir une courte fenêtre de stabilité après la nomination du gouvernement, mais ils ne doivent pas nécessairement s'attendre à plus de clarté", a déclaré Vincent Rouget, expert congolais pour Control Risks. "Tshisekedi poursuit un équilibre délicat entre montrer qu'il est responsable et préserver les réseaux fidèles à Kabila."

SOURCE: https://www.bloomberg.com