Flash, Flash, Flash, RD Congo: Le «chef» notoire de Poutine s’invite désormais en Afrique

Bloomberg, 20 novembre 2018: L’homme d'affaires discret connu sous le nom de «chef» de Vladimir Poutine pour son travail de traiteur au Kremlin aurait aidé la Russie à s'emparer de certaines parties de l'Ukraine, à renverser le cours de la guerre en Syrie et à se mêler des élections américaines. Maintenant, il s’implante au plus profond de l’Afrique avec une armée de mercenaires et des médecins légistes pour tirer profit de sa nouvelle expertise.

Yevgeny Prigozhin, un restaurateur originaire de Saint-Pétersbourg, ville natale de Poutine, a émergé comme la personnalité clé, quoiqu’invraisemblable,  de la volonté Russie de renforcer tardivement sa puissance géopolitique en ravivant les liens de la guerre froide dans une région largement sous-développée et chargée de ressources minérales inexploitées. Manquant du pouvoir financier de ses principaux rivaux, les États-Unis, l'Europe et la Chine, la Russie se taille une niche en soutenant des hommes forts dans des États instables mais potentiellement riches qui ont le goût de l'armement russe.

Prigozhin et son groupe de soldats et d’agents politiques sous contrat offrent des services de sécurité, d’entraînement aux armes et de propagande électorale en échange de droits d’extraction minière et d’autres possibilités, ont déclaré deux personnes proches du dossier. Il est déjà actif dans 10 pays avec lesquels l’armée russe a déjà des relations: la République démocratique du Congo, le Soudan, la Libye, le Madagascar, l’Angola, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Mozambique, le Zimbabwe et la République centrafricaine.

Cette poussée d'activité intervient alors que Poutine s'apprête à accueillir plus de 50 dirigeants pour le premier sommet Russie-Afrique en 2019. Il s'agira d'un événement qui renforcera "la présence active de la Russie dans la région", a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avant un survol du continent, plus tôt cette année.

La nature discrète des activités de Prigozhin assure une certaine crédibilité au Kremlin. Poutine, qui a décerné un prix à Prigozhin pour ses services à l’État en 2014, a comparé cette année le travail international de son ancien allié à celui de George Soros, le financier milliardaire américain longtemps accusé par le Kremlin de renverser des gouvernements à la demande de Washington.

"Les Russes veulent avoir de l’influence auprès des gouvernements, ils veulent un accès économique et ils sont beaucoup plus flexibles - c’est leur avantage", a déclaré Peter Pham, directeur du Centre pour l’Atlantique, le Conseil de l’Atlantique, basé à Washington. "Cela ne coûte pas très cher d'envoyer quelques centaines de personnes pour soutenir un président."

Prigozhin, 57 ans, n’a pas répondu aux demandes de commentaires émises par courrier électronique et par téléphone par l’intermédiaire de sa société de restauration Concord, et les responsables des pays qu’il cible n’ont pas commenté ses activités.

Prigozhin et Concord faisaient partie des trois entreprises russes et de 13 personnes dont l'avocat spécial Robert Mueller a inculpé en février pour avoir soi-disant interféré dans l'élection présidentielle de 2016 aux États-Unis. Le 15 novembre, un juge américain avait rejeté la demande de rejeter les accusations portées par une autre des sociétés de Prigozhin qui était également inculpées.

L’Afrique a été en grande partie une préoccupation mineur pour Poutine, qui est arrivé au pouvoir il y a presque deux décennies et qui a pour objectif principal de restaurer le statut de superpuissance perdu par de la Russie. Après l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, la présence russe en Afrique avait considérablement diminué; Le Kremlin concentre désormais tous ses efforts sur la région pour réaffirmer ses prouesses géopolitiques et ouvrir de nouveaux marchés aux entreprises nationales bloquées par les sanctions occidentales.

Comme les relations avec l'Occident continuent de plonger dans un fond creux, Poutine poursuit enfin une stratégie globale visant à développer des relations commerciales et de sécuritaire avec l'ensemble du continent, selon Polina Slyusarchuk, responsable du groupe de recherche Intexpertise de Saint-Pétersbourg qui est centré sur l'Afrique.

La Russie a connu des revers, notamment en Afrique du Sud. Le président Cyril Ramaphosa a gelé le projet d'énergie nucléaire de plusieurs milliards de dollars de son prédécesseur avec la Russie après son entrée en fonction en février. Mais Poutine met de plus en plus d’argent derrière les tribunaux, annulant quelque 20 milliards de dollars de dettes contractées par des pays africains l’année dernière.

Plus récemment, l’Égypte a obtenu un prêt russe de 25 milliards de dollars pour la construction de sa première centrale nucléaire. Et la Russie est en pourparlers avec l’Érythrée pour établir son premier centre logistique au bord de la mer Rouge, non loin de la seule base permanente du Pentagone en Afrique et du premier centre militaire chinois à l’étranger, à Djibouti.

En mars, Lavrov, ministre des Affaires étrangères de Vladimir Poutine, a parcouru l’Afrique avec une escale au Zimbabwe, où des sociétés russes participent à une opération d’extraction de platine d’une valeur de 3 milliards de dollars, le plus important projet d’investissement du pays. Prigozhin n'était pas loin derrière.

Les consultants politiques de Prigozhin conseillaient Emmerson Mnangagwa dans sa victoire contestée des élections en juillet pour succéder à Robert Mugabe, qui avait transformé le Zimbabwe en un Etat paria international au cours de son règne de quatre décennies, selon une des personnes au courant du dossier. Le principal opposant de Mnangagwa avait accusé les «Russes» d’aider son rival à manipuler les sondages. Le parti au pouvoir, le Zanu-PF, avait nié toute implication de la Russie dans les élections.

Poutine avait gagné une présence militaire au cœur du continent au début de cette année, après que l'ONU leur avait accordé une dérogation permettant à la Russie d'armer et de défendre le gouvernement de la République centrafricaine. La République centrafricaine, en proie à un conflit civil, avait lancé un appel à l’aide après que la France, son ancien puissance colonial, ait mis fin à une mission de maintien de la paix d’une durée de trois ans.

"Comme tout homme d'affaires normal, Prigozhin cherche les endroits les plus lucratifs pour investir son argent".

L’activité de l’entreprise de mercenaires de Prigozhin, connue sous le nom de Wagner dans les médias russes, a déjà conduit à des concessions d’or et de diamants en RCA et au Soudan, d’après les médias russes et français. Trois journalistes russes ont été assassinés en RCA en juillet. Ils enquêtaient sur les activités de Prigozhin, selon le magnat exilé Mikhail Khodorkovsky, qui finançait leur voyage.