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Ambassador Herman Cohen

Herman Cohen: Donald Trump «préfère traiter avec des hommes forts», par Christophe Boisbouvier

Depuis une semaine, la visite ratée de Denis Sassou-Nguesso aux Etats-Unis fait la Une des réseaux sociaux. Pourquoi, le 26 décembre dernier, les autorités du Congo-Brazzaville ont-elles annoncé que le chef de l’Etat congolais partait voir Donald Trump en Amérique ? Et pourquoi, finalement, Denis Sassou-Nguesso est-il rentré au Congo sans jamais avoir été reçu par le futur président des Etats-Unis ? Depuis une semaine, toutes les hypothèses circulent sur internet. Mais ce jeudi 5 décembre, un diplomate américain, proche du Parti républicain apporte un témoignage nouveau. Herman Cohen a été le « monsieur Afrique » de George Bush senior. En ligne de Washington, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

Barack Obama disait « L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes ». Est-ce que Donald Trump va dire au contraire que l’Afrique a besoin d’hommes forts ?

Herman Cohen : Je crois qu’il préfère traiter avec des hommes forts. Donc, je ne crois pas qu’il va beaucoup parler de la bonne gouvernance ou de la démocratie. Il va essayer de faire des accords avec des hommes forts, par exemple, avec monsieur Kagame [Rwanda], monsieur Kenyatta [Kenya], monsieur Sassou-Nguesso [Congo-Brazzaville].

Alors Denis Sassou-Nguesso, justement le 26 décembre 2016, les autorités du Congo-Brazzaville ont annoncé que le chef de l’Etat congolais allait être reçu par Donald Trump. Du coup, Denis Sassou-Nguesso est allé aux Etats-Unis, mais finalement il n’a pas été reçu. Est-ce qu’on sait ce qui s’est passé ?

Je crois qu’il y a eu un malentendu. Les gens autour de monsieur Trump étaient en Floride avec lui et j’ai l’impression qu’ils veulent prendre une initiative en Libye pour faire la paix dans ce pays. Donc ils ont fait appel au président Sassou-Nguesso qui préside la Commission de l’Union africaine sur la Libye. Mais il y a eu malentendu, il n’était pas invité pour voir monsieur Trump. Et je crois que c’était maladroit [de la part] de monsieur Trump de ne pas, au moins, passer quelques minutes avec le président Sassou.

Justement pourquoi monsieur Trump a été aussi maladroit ?

D’abord il était critiqué parce qu’il a reçu des autres chefs d’Etat avant qu’il soit président. On dit ici [à Washington] qu’il y a un seul président à la fois. Donc il a reçu le Premier ministre du Japon, il a parlé au téléphone avec le président de Taïwan. Donc il était accusé de faire la politique étrangère [des Etats-Unis] avant d’être président. Donc avec le président Sassou, il a été très prudent, mais c’était une erreur. Il aurait dû le recevoir 15 minutes.

En fait, Donald Trump a renoncé à recevoir le président Sassou pour ne pas embarrasser le président Obama ?

Exactement.

Certains ont dit qu’en fait, monsieur Trump n’a pas reçu le président Sassou-Nguesso parce que des conseillers américains lui avaient dit que s’il devait recevoir un premier président africain, ce n’était pas celui-là ?

Ça, je ne sais pas. Je ne peux pas faire de commentaires dessus.

Le 12 décembre 2016, Barack Obama, via le Trésor américain, a infligé des sanctions financières contre deux personnages-clé du régime de Joseph Kabila au Congo-Kinshasa, à savoir l’ancien vice Premier ministre Evariste Boshab et l’actuel chef des services de Renseignement, Kalev Mutondo [Agence nationale de renseignements (ANR)]. Est-ce une façon pour Barack Obama de forcer la main de son successeur ?

Non. Ça n’a rien à voir avec le futur président des Etats-Unis. C’était pour faire pression sur les gens de Kabila.

Pour faire accélérer les négociations qui ont abouti à l’accord de cogestion du 31 décembre ?

Exactement.

Mais est-ce qu’une fois au pouvoir, le 20 janvier 2017, Donald Trump va lever ces sanctions contre les autorités congolaises ?

Je ne crois pas. Je crois qu’il ne va même pas réfléchir sur l’Afrique pendant quatre mois. C’est la dernière priorité pour lui. Il faut comprendre qu’il y a autour de lui des Républicains, des membres du Congrès, par exemple le président de la Commission des Affaires étrangères, monsieur [Edward] Royce, [élu] de Californie. Il s’intéresse à l’Afrique et c’est lui qui pousse l’administration à augmenter les sanctions sur Kabila et son gouvernement. Donc il va donner des conseils à Trump, pour qu’il continue la même politique qu’Obama.

Et le futur secrétaire d’Etat de Donald Trump, le magnat du pétrole Rex Tillerson… Est-ce qu’il va poursuivre la politique africaine de l’actuel secrétaire d’Etat John Kerry ?

Je ne sais pas parce que, pour le moment, il se concentre sur la procédure de confirmation du Sénat. Donc il ne se prononce pas. Mais il connaît très bien l’Afrique. Comme PDG d'Exxon, il a des grandes opérations au Nigeria, en Angola, au Tchad. Donc il connaît tous les chefs d’Etat de ces pays.

Et sous la tutelle de Rex Tillerson, qui sera le prochain « monsieur Afrique » de l’administration américaine ?

Ce n’est pas encore décidé. Ils cherchent maintenant. Le monsieur qui est en tête de liste, c’est le docteur J. Peter Pham qui préside les études africaines dans Atlantic Council [Conseil de l'Atlantique]. C’est un think tank de Washington, c’est très prestigieux. Il parle français, il connaît l’Afrique mieux que n’importe qui et il est Républicain surtout.

Sur le plan stratégique, vous dites que l’administration Trump devrait prendre rapidement une initiative sur la Libye. De quoi s’agit-il ?

Je crois que le président Trump cherche une victoire dans le Moyen-Orient. Et il voit que l’Etat islamique ne contrôle plus de territoires en Libye. Donc c’est une question de concurrence entre les différents clans, les clans de Benghazi, les clans de Tripoli, les clans du Fezzan. Il est possible que monsieur Trump vise la Libye comme un premier endroit dans le Moyen-Orient pour une négociation victorieuse.

Est-ce que l’homme fort de Benghazi, le maréchal Khalifa Haftar, est en contact avec Donald Trump et son entourage ?

Ça, je ne sais pas. Mais il faut se rappeler que Haftar était aux Etats-Unis pendant longtemps. Et quand nous avons aidé les Tchadiens de Hissène Habré à chasser les troupes libyennes du Tchad, Haftar était notre homme. Nous avons formé Haftar pour qu’il nous aide contre Kadhafi au Tchad.

Et les liens sont restés et Donald Trump s’en souvient ?

C’est ça. Peut-être monsieur Michael Flynn, conseiller pour la Sécurité internationale, le général Flynn sans doute le connaît.

 

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