Lithium de Manono — Quand Zoé Kabila Utilise La famille Lecourt, pour cacher le contrôle de ce minerai stratégique

C’est une histoire à vous couper le souffle que nous relate dans les paragraphes qui suivent, une enquête de Philippe Vasset. Au centre, une famille discrète mais ultra-puissante dont le business est le camouflage de plusieurs compagnies offshores appartenant à des oligarques. Zoé Kabila et tant d’autres oligarques africains font partie de la clientèle de cette puissante famille de la principauté de Monaco. Que devient notre lithium, un minerai convoité de part son utilisation avec le cobalt dans la fabrication de batteries de voitures électriques ? Une fois de plus, les Chinois par le biais de Joseph Kabila et la famille Lecourt, contrôlent notre lithium, surement sans verser aucun taxe dans la trésorerie. A quand le changement que reclame le peuple Congolais ? That's the question.

La famille Lecourt, discrète vitrine monégasque pour oligarques africains
Installée sur le Rocher depuis deux générations, la famille Lecourt, active à l'origine dans le savon, a progressivement développé, outre un fructueux négoce agricole, une autre activité de nettoyage : l'enregistrement de sociétés monégasques pour le compte de tiers. Un service apprécié par les grandes fortunes, notamment en Afrique.

Quel est le lien entre l'entreprise de sécurité privée britannique Plan2World, pourvoyeuse d'anciens des services spéciaux français au Gabon, et le groupe minier Dathomir International, actionnaire de la mine de lithium de Manono, fief de la famille présidentielle congolaise Kabila ? La réponse se trouve dans les étages du Winter Palace, un immeuble rococo situé dans le carré d'or de la principauté de Monaco.

Parmi les nombreuses plaques de cuivres apposées dans le hall, figure celle de la "Société anonyme monégasque de gestion et administration - GETAD". C'est là, dans les locaux de cette mystérieuse entreprise que sont domiciliés Plan2World, Dathomir International et toute une galaxie de sociétés monégasques, le plus souvent enregistrées dans plusieurs paradis fiscaux afin de garantir l'anonymat de leurs ayants droit.

L'homme aux mille sociétés

GETAD est présidé par Edmond-Patrick Lecourt, un conseiller fiduciaire monégasque qui prête volontiers son nom aux sociétés qu'il domicilie. L'homme figure au conseil d'administration d'une bonne partie des entreprises qui ont déclaré pour siège les bureaux de GETAD. Il totalise à lui seul plusieurs centaines de sièges d'administrateur. Mais ces postes sont de pure convention.

Ainsi, lorsque Newland Consulting attaque le géant du BTP italien Guido Santullo à Monaco et fait saisir ses comptes ouverts à l'antenne monégasque de la Banque Edmond de Rothschild, ce n'est pas Edmond-Patrick Lecourt qui est à la manœuvre, même s'il est nommément le dirigeant de Newland, enregistré à Belize et domicilié chez GETAD. Titulaire d'un contrat d'intermédiation signé de Guido Santullo, décédé en 2018, Newland réclame au groupe Sericom du magnat italien le paiement d'une commission de 2,73 millions € sur des contrats qu'il aurait apporté au groupe de BTP au Gabon, notamment dans l'industrie pétrolière. Qui est donc derrière Newland ? Les bénéficiaires de la société, qui seraient proches de l'ancien directeur de Maurel & Prom, Jean-François Hénin, se sont calfeutrés derrière une double couche d'anonymat. Passer par GETAD permet non seulement de bénéficier de l'avantageuse fiscalité monégasque, mais également de protéger son identité.

Même tour de passe-passe chez Dathomir International, une société enregistrée aux Seychelles, là encore domiciliée chez GETAD et incorporée par Edmond-Patrick Lecourt même si, comme il l'a précisé à Africa Intelligence, il n'en est plus administrateur. Dathomir International détient 80% de Dathomir Mining, une société minière actionnaire de la mine de lithium de Manono ainsi que la société qui l'exploite, l'australien AVZ Minerals. Qui sont les bénéficiaires de Dathomir ? Impossible de savoir. Seul indice : le représentant de Dathomir International au conseil d'administration de Dathomir Mining est un homme d'affaires chinois, Min Go Wei. Le directeur général de Dathomir Mining est lui aussi chinois : il s'agit de Cong Mao Huai, souvent surnommé Simon Cong. Installé au Congo-K depuis plus de vingt ans, il est particulièrement proche de Zoé Kabila Mwanza Mbala, député de Manono et frère de l'ex-président Joseph Kabila (voir notre enquête).

Diplomatie privée

Très introduite dans le gotha financier international, la famille Lecourt est également particulièrement active sur le Rocher. Le 2 février dernier, Marc Lecourt, frère cadet d'Edmond-Patrick, a présidé dans la grande salle de l'hôtel Hermitage une cérémonie typiquement monégasque : le renouvellement du bureau de l'Association des consuls honoraires de Monaco (ACHM). Dans une Principauté largement dépourvue de diplomatie - presque aucun pays n'a d'ambassadeur à Monaco -, les relations avec les pays étrangers sont le plus souvent assurées par des hommes d'affaires : financiers et chefs d'entreprise installés sur le Rocher sont consuls honoraires d'un pays auprès duquel ils se chargent, à leurs frais, de représenter le micro-Etat. Tous ces diplomates privés sont réunis dans l'association des consuls honoraires, très influente dans les relations extérieures de la principauté, et très écoutée par le prince Albert II.

La famille Lecourt a toujours été particulièrement engagée dans la diplomatie privée monégasque : le père, Edmond Lecourt, était chevalier de l'Ordre de Malte et ambassadeur de l'Ordre en Mauritanie, tandis que les deux fils, Edmond-Patrick et Marc, sont tous deux consuls honoraires : le premier représente le Luxembourg dans la principauté, et le second la Slovénie. Membre historique du bureau de l'Association des consuls honoraires, Marc Lecourt en est devenu président le 2 février. Directeur du groupe SMIR, une société d'immobilier de prestige, Marc Lecourt est très introduit dans l'establishment monégasque : sa famille est le premier actionnaire privé de la Société des bains de mer (SBM), l'entreprise parapublique qui contrôle les quatre plus grands hôtels ainsi que les quatre casinos de la Principauté.

Marc Lecourt est également proche de la dynastie immobilière Pastor, qui possède près de 20% des surfaces habitables de la Principauté. Michel Pastor, l'un des trois enfants du patriarche Gildo Pastor, a longtemps dirigé la Chambre de développement économique de Monaco (CDEM), l'autre grande institution diplomatico-économique locale avec l'association des consuls honoraires. Les dirigeants de ces deux institutions coorganisent et participent systématiquement aux déplacements officiels du prince à l'étranger. Ils disposent d'un accès facilité à la famille princière ainsi qu'au ministre d'Etat, l'équivalent monégasque d'un premier ministre. Les Lecourt ont notamment été très proches de Jean-Paul Proust, l'ancien préfet de police de Paris qui fut ministre d'Etat durant les premières années de règne d'Albert II (2005-2010).

Négoce africain

Edmond-Patrick Lecourt a lui-même participé à de nombreux déplacements d'Albert II en Afrique, notamment au Burkina Faso. Le prince s'y est rendu à deux reprises ces dernières années et la fondation de sa femme Charlène de Monaco, sud-africaine née dans l'actuel Zimbabwe, finance des projets de développement.

Car parallèlement à ses activités d'enregistrement de société, le conseiller fiduciaire monégasque perpétue l'activité de négoce agricole que mènent les Lecourt en Afrique depuis quatre générations. La famille a fondé en 1930 les Grandes huileries métropolitaines de Marseille, aujourd'hui en liquidation, puis s'est rapidement diversifiée vers la savonnerie, grand utilisateur de corps gras, en investissant dans des usines de savon à Marseille ainsi qu'au Sénégal. Les Lecourt ont longtemps été actionnaires des Nouvelles savonneries de l'ouest africain, revendues à Colgate il y a quelques années.

Dans le même temps, Edmond Lecourt a développé une société de négoce agroalimentaire, Savent Brokers, que dirigent toujours ses fils. D'abord actif dans l'arachide au Sénégal, Savent fonctionne aujourd'hui comme une centrale d'achats de céréales (maïs, tourteau de soja, etc.) pour le compte de coopératives d'élevage en Afrique. Coïncidence, c'est une usine de transformation de maïs, AgroServ, qu'a visitée Albert II lors de son dernier déplacement au Burkina Faso. Savent Brokers a également investi dans des exploitations agricoles notamment à Korhogo, en Côte d'Ivoire, ainsi que dans des sites industriels, en particulier dans une usine d'aliments pour bétail au Sénégal.

Très discret, le comptoir de la famille Lecourt fait partie du petit cercle d'entreprises monégasques actives en Afrique. Ce petit groupe compte également Mercure International, la société de gestion d'enseignes de distribution d'Adnan Houdrouge ; Esko, l'opérateur de stockage alimentaire de la famille Zanotti, fournisseur historique des missions de maintien de la paix de l'ONU, notamment au Congo et en Côte d'Ivoire ; ainsi que le gestionnaire de fortune Monoeci, dont une équipe, emmenée par Patricia Cressot, est spécialement dédiée aux grandes fortunes africaines et dispose d'une antenne à Maurice.

Un dispositif qui séduit aussi les magnats russes

Les oligarques africains ne sont pas les seuls à faire usage des discrets services offerts par GETAD : quand le magnat russe du BTP Boris Rotenberg, visé depuis 2014 par des sanctions américaines pour sa proximité avec Vladimir Poutine, a voulu acquérir une villa à Mouans-Sartoux, le village des millionnaires sur la Côte d'Azur, il est passé par Tannor 2, une société enregistrée chez GETAD. Même choix pour Carlo Tanzi, l'ancien patron du groupe agroalimentaire italien Parmalat, dont la faillite a secoué toute la péninsule en 2003. Pour acquérir des joueurs pour son club de football Parma AC, il est passé par deux sociétés incorporées chez GETAD : Harold McKenzie Consulting et Rothwell Management.

Par Philippe Vasset