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Prof. Pierre Englerbert

Etat de Désolation au Congo (3eme partie) — par Prof. Pierre Englebert, Conseil Atlantique, Afrique Centrale

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Etat de Désolation au Congo ((3eme partie et fin)  - Téléchargez-ici, la note d'information complete

Gouvernance par Patronage

Ces ressources pillées forment l'épine dorsale de vastes réseaux de patronage. Le Patronage est commun dans les pays pauvres d'Afrique,[1]  mais loin d'être nécessaire dans la riche République Démocratique du Congo, qui pourrait facilement soutenir, un modèle de gouvernance moderne fondée sur les droits, si ses revenus étaient plus efficacement collectés et distribués.

Au Congo, les subordonnés sont généralement nommés à des postes d'autorité, en sachant  [clairement] que non seulement ils vont s'aider eux-mêmes, mais aussi qu'ils vont «payer» pour leur nomination en canalisant les ressources vers le haut.

Cette pratique, que les congolais appellent rapportage, existe dans toute la hiérarchie. Le Rapportage a été bien documenté dans la force de la police où les ‘violations de la propriété’ sont ‘très organisées avec de grandes portions canalisées vers le haut dans la chaîne de commandement[2].’ Le travail de chercheur congolais Albert Malukisa, par exemple, montre que la police routière a l’obligation de mettre un nombre de véhicules, généralement entre cinq et dix, en fourrière quotidiennement , qu’ils doivent apporter à leur commandant, qui sera ensuite négocié avec le propriétaire pour la libération du véhicule. Si les négociations échouent, la saisie devient officielle, et le propriétaire doit sauter beaucoup de barrières bureaucratiques très couteuses[3].

Dans le Kasaï-Occidental, une étude de 2013 avait rapporté que Trésor Kapuku, qui était gouverneur jusqu’en 2012, avait été chargé par Évariste Boshab, ancien président de l’Assemblée nationale et chef du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie », de retourner de grandes quantités du budget provincial pour lui et d’autres hauts fonctionnaires.” Boshab avait été également rapporté pour avoir choisi tous les ministres provinciaux de Kapuku en 2006, dont la plupart auraient accepté de retourner des portions de leur salaire, budgets, et les recettes à Boshab en échange de leurs nominations. »[4]

Le Patronage est également très répandu dans l’armée. Le président a une « Maison Militaire, » un quartier général militaire privé, où il ne case que les loyalistes de confiance et qui constitue une structure de commandement parallèle qui porte atteinte à la hiérarchie officielle. Général François Olenga, le chef de la Maison Militaire, est propriétaire d’un complexe hôtelier et un hôtel près de Kinshasa; Le Général Gabriel Amisi, commandant de [la ville de] Kinshasa « première défense zone, » possède l’équipe de football de Kinshasa « AS Vita Club. » Les Généraux congolais gagnent officiellement environ 100 $ par mois, mais les officiers détournent régulièrement le salaire de leurs troupes, et le président [Kabila] récompense la loyauté en ordonnant les opérations qui génèrent des bonus et les opportunités d’extorsion.

Avec une telle structure de motivation, il est peu surprenant que les FARDC aient été incapables ou ne veut pas mettre fin au conflit dans l’Est.

Gouvernance par la violence et la répression

La démocratie menace directement le système de gouvernance qui sert les élites congolaises si bien. La fin du second mandat de Kabila s’approche rapidement en Novembre 2016 et a provoqué l’anxiété particulière pour Kabila et son entourage. Comme résultat, le régime a fait recours à la violence et à la répression avec une fréquence croissante depuis son échec à changer la constitution à son avantage en début de 2015.

Le Congo a une longue histoire de violence politique. Un certain degré de guerre est en cours sans interruption dans l’Est depuis 1993. Les troupes de Kabila ont bombardé la résidence de l’adversaire politique (et une fois vice-président) Jean-Pierre Bemba en 2007. Cette même année, plusieurs centaines de militants et sympathisants de la secte  de Bundu dia Kongo avaient été tués par les forces de sécurité après qu’ils se soient opposés aux résultats des élections provinciales. Dans les élections controversées de 2011, le gouvernement avait utilisé la violence pour faire taire l’expression démocratique, tuant plusieurs dizaines de manifestants et arbitrairement arrêtant plus de deux cents. A Kinshasa, plus d’une centaine de personnes sont mortes aux mains des forces gouvernementales lors d’une tentative vouée à l’échec d’un soi-disant coup d’État en Décembre 2013. Et à Lubumbashi cette même année, la garde présidentielle avait tué trente-cinq présumés insurgés séparatistes qui marchaient vers le centre de la ville.

Bien qu’une telle violence semble une constante dans le système congolais, ces derniers mois ont vu une augmentation de la répression politique et une réduction des libertés politiques. Bien que les auteurs de violences sexuelles et autres atrocités à  l’Est soient souvent inattaquables, les militants pour la démocratie sont incarcérés avec empressement.

La légère hausse de la répression a commencé en Janvier 2015, lorsque les manifestations spontanées de rue s’étaient opposés à une tentative du gouvernement de reporter les élections. Trente-huit manifestants avaient été tués et plus de quatre cents arrêtés[5]. Deux groupes de droits civils, non affiliés à des partis politiques, se constituèrent en réponse: la Lutte pour le Changement (LUCHA) basé à Goma; et Filimbi (« le coup de sifflet») à Kinshasa. En Mars 2015, l’ANR attaqua un atelier public de Filimbi sur la démocratie à Kinshasa, arrêtant trente personnes, qu’elle accusait de planifier les activités terroristes. La plupart furent ensuite libérés, mais un an plus tard, les dirigeants Fred Bauma et Yves Makwambala sont toujours en détention. Plus tard, en Mars, une fosse commune avec 421 cadavres fut découverte dans la périphérie de Kinshasa, pour lesquels les autorités doivent encore fournir une explication plausible.

La répression a continué et s’est intensifiée. En Septembre 2015, un rassemblement de l’opposition à Kinshasa avait été attaqué par des voyous recrutés par le régime. En Novembre, la police avait également utilisé des gaz lacrymogènes et des balles réelles contre une manifestation de LUCHA pacifique à Goma, et arrêta douze militants. En Janvier 2016, les forces de sécurité auraient détenu une quarantaine de personnes pour empêcher les commémorations du massacre de Janvier 2015 et plusieurs avaient été arrêtés alors qu’ils tentaient des grèves générales à Goma et Lubumbashi en Février. Depuis la fin de 2015, quatre stations de télévision appartenant à des politiciens de l’opposition avaient été fermées,[6] et dix-huit militants avaient été arrêtés en Mars 2016, au moment qu’ils manifestaient pacifiquement à Goma pour exiger la libération de leurs collègues emprisonnés. En Avril, deux sièges de partis d’opposition avaient été incendiés et les associés de Moïse Katumbi (qui a récemment annoncé qu’il allait se présenter comme candidat à la présidence de l’opposition) avaient été arrêtés. Pas étonnant que Human Right Watch parle d'une «répression croissante du gouvernement sur ceux qui parlent contre les efforts pour prolonger le terme limite du président Joseph Kabila au pouvoir, au-delà de la fin mandatée par la constitution de deux mandants.[7] Ironie du sort, toute cette répression a lieu alors que le régime appelle à un dialogue national.


Conclusions

Le Secrétaire Général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, et l'envoyé spécial américain pour la région des Grands Lacs Thomas Perriello avaient raison de vous soucier de la diminution de l'espace des libertés politiques et libertés civiles au Congo[8]. L'escalade de la répression du gouvernement ne sert qu'à perpétuer la gouvernance basée sur la prédation et incompétence.

Il y a des conséquences graves à la mauvaise gouvernance congolaise: la pauvreté persistante et les inégalités malgré la croissance; les conflits et la violence continuent; un manque de services; et un schéma d'extorsion du peuple Congolais à la merci, des mains de leur Etat. L'échappatoire du régime Kabila de ses obligations a également des implications de sécurité: il y a au moins une preuve indirecte que les combattants d'al-Shabab ont été impliqués dans l'extraction de l'or, la contrebande de l'or et de bois dans certaines régions de l'est du Congo depuis 2.013[9].

La gouvernance scandaleuse du Congo devrait être une préoccupation pour les Etats-Unis comme pour les Congolais. Les États-Unis ne sont toujours pas consistants dans leurs relations avec les dirigeants africains, étant parfois indulgents envers les dirigeants autoritaires qui délivrent sur les fronts économiques ou sécuritaires, tout en frappant plus fort sur les pays géopolitiquement insignifiants. Cependant, problématique que ce soit, ce manque de consistance ne devrait pas empêcher une position ferme sur le Congo. Bien qu'il soit difficile de savoir si le Congo peut ne jamais être bien gouverné, et même si peu des opposants de Kabila garantissent nécessairement un avenir meilleur pour le pays, les Congolais méritent une chance à une meilleure gouvernance. Le respect de la Constitution constituerait un précédent crucial, contraignant les politiciens pour les années à venir. Cela ne va pas résoudre tous les problèmes de gouvernance du Congo, mais ce serait une étape importante en avant.

Dr Pierre Englebert est le professeur H. Russell Smith des relations internationales et professeur de politique africaine à Pomona Collège.


Cette note d'information a été rendue possible grâce au soutien généreux de United  Africa's Democratic



[1]  Thomas, Govern like Us, op. cit.

[2]  Maria E. Baaz and Ola Olsson, “Feeding the Horse: Unofficial Economic Activities within the Police Force in the Democratic Re­public of the Congo,” African Security, 2011, vol. 4, issue 4, p. 223.  

[3]  Malukisa, “Régulation du traffic…,” op. cit.  

[4]  Atos, “Provincial Pilot Study: Kasai Occidental” (Kinshasa: Department for International Development, 2013). Atos is a con­sulting firm that is the lead implementer for a United Kingdom Department for International Development project in the DRC.  

[5]  Telema, “D.R. Congo Government Crack Down on African Youth,” March 21, 2015, https://www.telema.org/d-r-congo-government-crack-down-on-african-youth/.  

[6]  Agence France Presse, “RD Congo: fermeture d’une radio-télévi­sion d’opposition à Lubumbashi,” Jeune Afrique, March 12, 2016, http://www.jeuneafrique.com/309543/politique/rd-congo-ferme­ture-dune-r….  

[7]  Human Rights Watch, “DR Congo: Free Youth Activists,” March 15, 2016, https://www.hrw.org/tet/node/287632.  

[8]  “Peace Network for Congo: After the Visit of Ban Ki-Moon, It Is Necessary to ‘Put Words into Actions,’” News.Va, http://www. news.va/en/news/africadr-congo-peace-network-for-congo-after-the-v; Press Conference Transcript with Special Envoy for the Great Lakes Region of Africa Thomas Perriello, February 26, 2016, photos.state.gov/libraries/

[9]  Sebastian Gatimu, “Is the illegal trade in Congolese miner­als financing terror?” Institute for Security Studies Africa, March 2, 2016, https://www.issafrica.org/iss-today/is-the-ille­gal-trade-in-congolese-…;

 

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